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puce La trilogie de la villégiature
Théâtre du Nord-Ouest  (Paris)  mai 2009

Comédies de Carlo Goldoni, mise en scène de Carlotta Clerici, avec Rebecca Aïchouba, Laurent Benoit, Isabel de Francesco, Benoît Dugas, Yvan Garouel, Manon Gilbert, Simon Gleizes, Pascal Guignard, Muriel Lemaire, Nathalie Lucas, Jean Tom, Andrea Torres Gibert, Florence Tosi et Gunther Van Severen (ou Gaetan Guilmin).

Pour ceux qui connaissent l'univers et le parcours de l'auteur et metteur en scène Carlotta Clerici, co-fondatrice de la Compagnie Théâtre Vivant, et notamment son dernier opus en date "L'envol", rien d'étonnant à ce qu'elle ait choisi de monter "La trilogie de la villégiature" de Carlo Goldoni et ce, nonobstant son origine italienne, qui pourrait presque en constituer l'épisode premier.

Cette trilogie fameuse présentée comme une fresque, qui va de la peinture sociale à l’interrogation métaphysique, analysée comme caractéristique de la déliquescence marquant la fin d'une époque "historique" consigne davantage la fin d'un état individuel, celui de la jeunesse, quand une page se tourne définitivement, et pas une page anodine, mais celle qui clôt définitivement le chapitre des espérances quand le champ que l'on croit infini des possibles s'est réduit telle une peau de chagrin.

Ces vacances sonneront le glas de la jeunesse, comme ces derniers jours d'été qui commencent sous les auspices d'un soleil radieux puis voient le ciel s'assombrir. Il y a de l'électricité dans un air étouffant mais l'orage n'éclatera pas et, le lendemain, il en est fini de l'été. Dans le regard brusquement décillé sur un avenir sans illusion de ces personnages victimes du destin, tributaires de prosaïques réalités pécuniaires, prisonniers du rôle qui leur est assigné par les conventions et ne pouvant se définir en dehors de leur microcosme social, ne brillera plus l'étincelle de la fleur de l'âge. Et comme si cela ne suffisait pas, le renoncement s'accompagne d'une implacable et insondable solitude existentielle.

En trois mouvements pathétiques, scandés d'intermèdes mozartiens et notamment la pièce de jeunesse "La tartine de beurre" surnommée "La valse des papillons" qui décrit les délices de l'insouciance, la fin étant dans le commencement telle une tragédie antique, Goldoni, aïeul de Marivaux et de Tchekhov, a resserré la nasse sans échappatoire possible. Même si le couple juvénile qui transgresse les règles convole en justes noces, (Gaétan Guilmin et Manon Gilbert tous deux délicieux), point de happy end à la fin des vacances mais le triomphe des médiocres.

Les enfants terribles et gâtés, le frère impécunieux, fiancé comblé qui va virer à l'aigre, subtilement interprété par Simon Gleizes, et la sœur, vaniteuse pécore, Isabelle de Francesco parfaite dans la vacuité infatuée, qui réclament leur dû en s'accommodant des compromis grâce aux intercessions d'un personnage ambigu, sorte de deus ex machina qui prend un malin plaisir à orchestrer le chaos (Laurent Benoît remarquable) tout en se posant comme garant d'un certain ordre moral d'une société qui se gangrène - notamment avec la perméabilité des frontières sociales sous l'effet de l'argent avec l'ascension et la prétention des classes industrieuses symbolisées par la femme de marchand (Florence Tosi au jeu très sobre) et sa bonne (Andrea Torres Gibert) - et d'un père barbon égotique, superbe figure archétypale du pater familias apparemment bonhomme mais superbement égocentrique et louvoyant, qui ne songe qu'à sa tranquillité et à son estomac, rôle dans lequel excelle Yvan Garouel, qui a mis en scène et joue, concomitamment dans le même lieu, un excellent "Ivanov" de Tchekhov (il n'y a pas de hasard).

Autre illustration de l'amour sous tutelle de l'intérêt, orgueil ou argent, avec la tante femme mûre qui rêve d'une deuxième jeunesse (Muriel Lemaire très juste), veuve encore accorte qui s'amourache d'un écornifleur doublé d'un gigolo sans panache et sans états d'âme que Benoît Daugas campe sans ambiguité, qui contamine même la genet ancillaire avec une femme de chambre qui fait miroiter son pécule pour appâter un valet concupiscent (Nathalie Lucas et Jean Tom tous deux excellents).

Face à tout ce petit monde qui s'affranchit des principes moraux, les amants impossibles, victimes du devoir et de la parole donnée : l'amoureux timoré et ténébreux incarné par le remarquable comédien Pascal Guignard et l'archétype de la coquette première victime de ses tentatives de badinage avec une belle révélation, et jolie comédienne au port grâcieux, Rebecca Aïchouba.

Comme toujours au Théâtre du Nord-Ouest pas de décor somptuaire ni de reconstitution réalistico-héroïque : deux salons, un salon de ville et un salon de jardin suffisent à esquisser les lieux de représentation, la petite salle Economidès pour les étouffantes scènes urbaines et la grande salle Laborey pour la campagne pleine de fausses promesses, des lumières travaillées et des costumes qui transposent l'Italie du 18ème siècle dans celle des années trente viscontiennes, suffisent à poser l'atmosphère qui s'installe par le seul jeu des comédiens - avec une distribution de valeurs sûres - au coeur du mystère de la représentation théâtrale.

Carlotta Clerici, qui a assuré la traduction, l'adaptation et la mise en scène, signe une direction d'acteur éloquente et une ligne dramatique constamment sur le fil du rasoir du sens et du sensible pour mettre en exergue la figure humaine dans ce qu'elle a de fragile, de pathétique et, tout simplement, de vivant.

 

MM         
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# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

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Du côté de la musique :

"Génération (tome 1)" de Ambre
"Out" de Fishtalk
"Take a look at the sea" de Fontanarosa
"Venus rising" de Trio SR9 & Kyrie Kristmanson
"Perpétuel" de Vesperine
"Liminal status" de Watertank
"The great calm" de Whispering Sons
"Keep it simple" de Yann Jankielewicz , Josh Dion & Jason Lindner
Quelques nouveautés en clips avec Isolation, Resto Basket, Greyborn, Bad Juice, Last Temptation, One Rusty Band, We Hate You Please Die
nouvel épisode du Morceau Caché, consacré à Portishead
et toujours :
"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch

"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard

Au théâtre :

les nouveautés :

"Sonate d'automne" au Théâtre Studio Hébertot
"Frida" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses

"Preuve d'amour" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Après les ruines" au théâtre La Comète de Chalons En Champagne
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Royan, la professeure de français" au Théâtre de Paris
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Le déserteur" de Dani Rosenberg
"Marilu" de Sandrine Dumas
"Que notre joie demeure" de Cheyenne-Marie Carron
zt toujours :
"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

Lecture avec :

"Hervé le Corre, mélancolie révolutionnaire" de Yvan Robin
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"L'heure du retour" de Christopher M. Wood
"Prendre son souffle" de Geneviève Jannelle
et toujours :
"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
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