Des notes
de Charles Baudelaire, adaptées et dites par Jean-François Balmer
mise en scène de Françoise Petit
Bien que la mode soit aux lectures, déclinées au demeurant
de manières bien diverses, pour ne citer que Poe lu par Charlotte Rampling
ou Jacques Weber racontant la vie de Molière, Jean-François
Balmer ne lit pas Baudelaire. Il le dit et dans le théatre gothico-flamand
du Ranelagh, où le chêne roux convient parfaitement , il endosse
la redingote, le haut de forme et les guêtres du dandy et le masque
de Baudelaire, le Baudelaire endetté, exilé en Belgique, précocément
vieilli, malade, douloureux, désespéré et pathétique.
Jean François Balmer ne récite pas des poêmes du poête
maudit. Il dit les notes inachevées et posthumes d'un homme maudissant,
intitulées "Mon cœur mis à nu", " Pauvre
Belgique" et "Fusées" dans lesquelles Baudelaire s'épanche
et se répand en vitupérations et imprécations, non exemptes
de vérité, de lucidité et de clairvoyance, ces pages
par lesquelles il veut dater sa colère.
Il dit parce qu'il voudrait "essayer dans une rigueur et une force
de diction de dire les mots et tenter d'avoir un semblant de profondeur pour
donner une idée de l'incroyable secousse tellurique et dévastatrice
que nous offre Baudelaire."Vaste entreprise" reconnaît-il
mais superbe réussite puisqu'il parvient à insufler et transmettre
un texte riche, dense, qui nécessite une attention de tous les instants,
au point où une affinité de visage et d'expression se dégage
à la manière de l'affiche qui montre le mimétisme par
un montage photographique des deux visages, celui de Jean François
Balmer s'insinuant dans le portrait de Baudelaire.
Balmer nous égrène, nous assène ou nous susurre les
phobies, les haines, les propos moralisateurs ou les maximes de Baudelaire
qui revisite Dieu, le Beau, la politique, l'artiste,les femmes, l'amour, vomit
sur George Sand dont il trace un portrait fort éloignée de l'image
d'amoureuse romantique et "déshabille" la Belgique pour mettre
à nu les travers grotesques de ses habitants pour terminer sur le bouleversant
"Hygiène-Conduite-Méthode" dans lequel Baudelaire
se jure à lui-même de suivre des règles de vie telles
que la prière à Dieu, le travail sans relâche et le renoncement
à tout excitant. |