Comédie
héroïque écrite par le Cardinal de Richelieu,
mise en scène de Christiane Marchewska, avec Luc Baboulène,
Guy Bourgeois, Marine Gandibleu, Thierry Garet, Jérôme
Keen, Christiane Marchewska et Florence Roche.
Dans le cadre des nocturnes du mardi du Musée de l'Armée,
Christiane Marchewska met en scène une pièce en
alexandrins dont l'auteur est inattendu puisqu'il s'agit du
Cardinal de Richelieu, œuvre qu'elle a littéralement
exhumée d'un long oubli et qui n'a été
représentée qu'une seule et unique fois.
Cette comédie héroïque, au demeurant fort
bien tournée, intitulée sobrement "Europe",
met aux prises les différents états protagonistes
de la Guerre de Trente ans pour en narrer, de manière
historique, les principaux épisodes selon un canevas
judicieux.
Alors que souvent les joutes amoureuses emploient une terminologie
guerrière et une stratégie militaire, en l'espèce,
Richelieu transpose les querelles politico-guerrières
en intrigues amoureuses pour livrer métaphoriquement
son analyse géopolitique des événements,
du rôle d'arbitre naturel d'une alliance franco-allemande
et une conception visionnaire de l'Europe. Le fond, qui aborde
également des thématiques intéressantes,
telle la doctrine de la guerre juste, donc est passionnant,
même sans être un féru inconditionnel d'histoire.
Christiane Marchewska, qui interprète
avec beaucoup d'abattage la Lorraine inconstante et volage,
a su utiliser au mieux la scène exiguë toute en
longueur de l'auditorium des Invalides avec l'entrée
des comédiens par la salle et en y esquissant trois espaces
scéniques.
Elle s'est entourée d'une distribution d'une belle homogénéité
et dirige efficacement une troupe de comédiens rompus
aux textes versifiés et aux rôles en costumes,
comédiens que l'on a pu voir dans les deux derniers cycles
du Théâtre du Nord-Ouest consacrés à
Shakespeare et à Molière, qui délivrent
un excellent spectacle, plaisant et de qualité.
Florence Roche est délicieuse
dans le rôle de Italie, la frémissante favorite
d'Europe tout autant que Guy Bourgeois
en perfide Albion un brin transgenre et Thierry
Garet, qui a été un formidable Dandin,
met son talent au service de Germanique tiraillé entre
l'amitié et la fidélité à sa famille.
L'héroïne de l'intrigue, la farouche et impériale
Europe, est incarnée par Marine Gandibleu qui sait inscrire
son personnage dans la majesté, à la mesure de
la reine de "La tempête" ou de la fille aînée
du roi Lear, pour qui rivalisent Jérôme Keen qui
trouve dans le personnage d'Ibère, le monarque mégalomane,
ombrageux et tragique qui défie Europe et le monde, un
rôle à sa mesure qu'il avait déjà
donnée dans le "Dom Juan" de Molière,
et Luc Baboulène très juste et convaincant dans
le délicat rôle du chevalier français dans
toute sa noblesse. |