Comme
prévu, suite à leur concert de novembre dernier, rien
à voir ici avec leur premier album, événement
rock de l’année 2002, "They threw us all…".
Plus de tubes imparables à la “Mr.
You’re on Fire Mr.”(No I’m okay !!), la
fête est bien finie, l’influence de Gang
of Four beaucoup plus lointaine, le format beaucoup moins
accrocheur et entrainant, donc fatalement on s’attend à
un succès public très loin de l’engouement relatif
d’alors.
Du sabordage serait on tenté de croire, plutôt une
ambition musicale démesurée qui ne correspondait pas
avec une attitude formatée et opportuniste à la Rapture
& Co. Il est clair qu’il faudra plusieurs albums pour
mesurer Liars à sa juste valeur,
contentons nous déjà ce celui-ci qui demande déjà
un peu de temps à être assimilé (le rejet de
la greffe reste risqué).
Ce disque est en effet étouffant, malsain et glauque. On
en sort tendu avec la nausée comme après un film de
Philippe Grandrieux mais rapidement
persuadé de la qualité de l’œuvre, avec
ce désir ambigu de vouloir y replonger tout en gardant une
forte appréhension au fond de l’estomac. Cette claustrophobie
s’incarne notamment dans cette rythmique incantatoire et répétitive
qui menace comme un chant vaudou, le chant de Angus
Andrew, devenu morbide et parfois mystique, est ainsi beaucoup
moins sec et tranchant qu’auparavant.
Certains titres essaient de vous faire croire à un relent
festif égaré sur le disque ("There’s
always room on broom" pour dodeliner de la tête
au moins une fois sur le disque) mais le poids du son vous cloue
au sol : la production a notamment quelque chose de non identifiable
qui participe à ce sentiment, ils (S. Revitte cf JSBX…)
ont du faire quelque chose de "bizarre" au niveau des
basses pour créer cette réaction physique intrigante,
sans compromis et même vaguement désagrable.
Le premier titre "Broken Witch"
est un bon exemple de cet exercice qui se refuse d’aller trop
dans le sens du poil mais offre une ouverture acceptable sur l’album
qui a tendance à devenir plus déconcertant par la
suite à la première écoute (qui ne saurait
être décisive ici). On se retrouve encore dans cet
aspect incantatoire du chant et dans une instrumentation à
la "Dirt makes the Mud" mais
le groupe se refuse à des progressions linéaires auxquelles
on s’est habitué et souvent lassé.
On retrouve tout de même quelques titres presque rock comme
“Hold Hands and it will happen anyway”
où on retrouve Aaron Hemphill en
flagrant délit de martyriser sa guitare et nos oreilles dans
un vacarme no-wave à la Sonic Youth
première époque, et le morceau le moins dépaysant
reste "They don’t want your corn
they want your kid" (les titres sont souvent de ce niveau
!) qui trouve tout de même sa place dans l’album.
La plupart des titres sont lents ou scandés mais toujours
habités par une présence poisseuse qu’on trouvait
sur le dernier Plastikman dans une instrumentation totalement différente,
(électronique, ambiante…). Une ambiance entre violence
larvée ("If you’re a wizard…"
, réjouissant), transe mystique, fête foraine décadente
et frénésie maladive dans les rues de Salem. Au final
cela fonctionne et c’était loin d’être
un pari gagné, le disque reste complémentaire de l’expérience
chaotique de la performance live.
L’album se termine comme Nosferatu s’évanouissant
chez Murnau en laissant derrière
cette absence les marques de la vie qui continue : champs d’oiseaux,
vent, cloche, présence malsaine, la fin du monde (et du disque)
selon les Liars.
Clairement un album difficile d’accès, pas le cadeau
rêvé pour votre petite cousine, mais un album osé
et réussi à se passer entre un public averti.
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