Texte
de Blaise Cendrars, mise en scène de Balazs Gera, avec
Mathieu Antajan, Pascal Doudement et Guillaume Gilliet.
"La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne
de France" invite à suivre le périple onirique
à bord du transsibérien d'un jeune homme adolescent,
"mauvais poète qui ne voulais aller nulle part",
pour retrouver à Paris son amour "une enfant, que
je trouvai ainsi pâle, immaculée, au fond d’un
bordel".
La première édition de, poème-monde enfiévré
et exalté de jeunesse de Blaise Cendrars,
comprenait des compositions en couleurs du peintre futuriste
Sonia Delaunay afin d'imbriquer le texte et l'image dans ce
qui était une novation, celle du poème-tableau,
présenté sous forme d'un dépliant de plusieurs
mètres.
Le metteur en scène d’origine hongroise Balazs
Gera réinvente magnifiquement cette symbiose et cette
synergie originelles du sens et de la forme par le biais du
théâtre et dans triple dimension vocale, corporelle
et plastique en résonance à l'instar du poème
en prose qui joue sur les consonances.
Il a ainsi élaboré une mise en scène très
concise et recluse dans la sphère conçue par le
scénographe Giulio Lichtner,
représentation du monde au sens cosmique du terme et
du monde intérieur du poète, dans laquelle toutes
les lignes de fuite se rejoignent et dont l'armature est investie
d'une pluralité de métaphore du rail de chemin
de fer à l'horloge du temps tout en symbolisant "Paris,
ville de la Tour unique, de la Roue et du grand Gibet"
destination finale qui clôt l'épopée immobile
commencée à Moscou, au Kremlin " immense
gâteau tartare croustillé d'or".
Après un préambule sonore et visuel qui amène
le spectateur à se détacher du monde réel
et créé une immersion dans un univers extra-ordinaire,
l'intérieur de cette bulle révèle trois
ombres, puis trois officiants, trois corps pour trois approches
difractées et complémentaires.
Il y a le corps vivant de l'acrobate Mathieu
Antajan, qui chorégraphie l'espace, et le corps
parole du comédien Guillaume Gilliet,
qui dit la poésie d'une manière habitée
et non académique particulièrement fascinante.
Et puis il y a le plasticien Pascal Doudement
qui substitue à l'intervention picturale du peintre une
installation qu'il réalise in situ.
Ce spectacle éblouissant qui s'inscrit résolument
dans le registre du spectacle total est d'une intelligence,
d'une sensibilité et d'une beauté sidérantes. |