Dear Reader a cette particularité de provenir d’Afrique du Sud (Johannesburg). Pour cette raison, instinctivement, on a envie d’accorder plus d’attention à cette musique. Une curiosité qui pourra nous amener, par exemple, à tracer la Carte du Tendre de la Pop – exil ultime – en repérant ça et là les zones d’influences géographiques, les pics d’intensité.
Ces mélodies sensibles, légères, portées par la voix douce de Cherilyn Mac Neil ont ainsi pris corps à l’écart de la Grande Fabrique Industrielle (L’Angleterre), sans pour autant s’éloigner de la pure tradition pop : chansons à la structure riche mais sobre s’alignant comme des perles mélodiques, régulières. Et pas question ici d’invoquer un arrière-plan mélancolique, une acidité qui déséquilibreraient l’ensemble : on a affaire ici à un agencement d’instruments dosés, une voix soignée, une lenteur musicale exécutée avec précision. Et chaque titre de cet EP converge, en son milieu, vers une accélération, sans débordements, qui semble s’arrêter au point précis où cela pourrait sembler trop risqué, donc intéressant.
Excepté pour le dernier titre, "Never Goes", pièce maîtresse d’un EP qui se pose globalement sans aspérités, sans traits saillants. Le savoir-faire de Dear Reader, ici, se rapproche de Lighthouse, ce groupe pop scandaleusement sous-estimé des années 90, qui réussissait à conjuguer avec élégance ces deux notions apparemment contradictoires que sont la facilité et la qualité. Car pour émouvoir constamment, leurs compositions étaient travaillées à l’extrême, jusqu’au dépouillement qui faisait passer le surprenant pour une évidence. Un autre groupe de cet acabit peut venir à l’esprit : Autour de Lucie.
Seul ce titre "Never Goes" possède cette touche supplémentaire que l’orfèvre-pop se doit d’atteindre, comme un but à toute créativité digne de ce nom ; je parle de ce je-ne-sais-quoi, ce presque-rien, cette instabilité tranquille qui sont la marque de l’inspiration et de la passion. Il faudra donc vérifier sur l’album récemment sorti de Dear Reader, Replace Why With Funny, cette disposition fondamentale. Pour le moment, on préfèrera se perdre dans la musique hautement inspirée d’un autre locataire d’Afrique du Sud, Nibs Van Der Spuy − ce génie incurablement hanté par l’empreinte de son père spirituel Nick Drake. Cette région, luxuriante, pleine de promesses, sait se montrer généreuse. |