Comédie
dramatique de Stanislas Cotton, mise en scène de Vincent
Goethals, avec Solo Gomez, Baptiste Roussillon et Tadié
Tuéné.
Ecrit délibérément par le dramaturge belge
Stanislas Cotton en réaction à la campagne de
régularisation des immigrés intervenue dans son
pays, le "Bureau national des allogènes" aborde,
sans parti pris ni manichéisme, la thématique
à l'actualité récurrente de l'immigration.
Sous forme de deux monologues en résonance, donnant
la mesure le chemin encore à parcourir, il trace le portrait
de deux hommes, un blanc et un noir, avec chacun leur histoire
et sa part métaphorique du monde auquel ils appartiennent
et évoque les notions d'identité, d'altérité
et de racisme dans leur portée la plus quotidienne et
la plus humaine qui montre que le grand soir humaniste est encore
à venir et ne se fera pas sans dommages collatéraux.
Avec Philippe Catalano, aux lumières
et Jean-Pierre Demas à la scénographie,
Vincent Goethals a - volontairement,
judicieusement et de manière réussie - écarté
le texte du réel réaliste pour le placer dans
le champ de la parole qu'est le sien, les mots véhicules
du cheminement de la pensée qui ne répondant pas
toujours à la rationalité ou à la logique
imparable. En effet, l'écriture atypique de l'auteur
s'inscrit dans ce qui fut dans les années 60 l'avant
garde de l'écriture textuelle et évoque, par sa
truculence, celle de son compatriote Jean-Pierre Verheggen.
Et il a uni par le beau chant de Solo Gomez, chanteuse et comédienne
d'origine guinéenne, les deux partitions formellement
distinctes comme un dialogue encore impossible.
La première met en scène le blanc Rigobert Rogodon,
corps en apesanteur auquel Baptiste Roussillon
prête sa verve tragi-comique pour une partition quasi
surréaliste, au sens originel du terme. Un homme banal,
un fonctionnaire ordinaire dans une administration à
la mission délicate de délivrer les autorisations
de séjour, tiraillé entre ses contradictions internes,
assailli de doutes profonds et miné par une mauvaise
conscience historique, qui s'est défenestré pris
dans une impasse métaphysique.
Pour la seconde, celle de l'émigré Barthélemy
Bongo, fièrement campé par le comédien
camerounais Tadié Tuené, Vincent Goethals a privilégié
une approche ancrée dans la matérialité
du vivant et une narration à la manière des griots.
Sur un banc plaqué sur une tranche de tronc d'arbre,
l'homme noir, tout autant enfermé dans ses propres démons,
raconte son histoire et sa quête douloureuse et tragique. |