A
Giverny, haut lieu historique de l'impressionnisme dans lequel
est située la maison de Monet qui en fit la plaque tournante
d'un mouvement dont il s'étonnait être l'instigateur
à un moment où sa peinture connaissait une évolution
radicale, le Musée d'Art Américain a laissé
la place à un nouveau musée qui, fort logiquement,
est le Musée des Impressionnismes.
Constitué sous forme d'établissement public de
coopération culturelle géré par les collectivités
territoriales que sont la région Haute-Normandie, les
départements de l’Eure et de Seine-Maritime et
les villes de Rouen et de Vernon, sa vocation, qui ressortit
de l'évidence, consiste en la présentation bisannuelle
d'expositions temporaires relatives à l’histoire
de l’impressionnisme et sa postérité, et
ce, en lien étroit avec le Musée d’Orsay.
L'exposition inaugurale qui a ouvert ses portes le 1er mai
2009, a été conçue par Marina
Ferretti Bocquillon, historienne de l'art, spécialiste
de l'impressionnisme et du post-impressionnisme, conservatrice
du nouveau musée,
Elle
a choisi une thématique qui, sous couvert d'un titre
délicieusement évocateur de l'efflorescence printanière
et des plaisirs horticoles, "Le
jardin de Monet à Giverny : l'invention d'un paysage",
relève également de l'histoire de l'art la plus
érudite.
A travers une sélection raisonnée d'œuvres,
complétée d'une salle iconographique composée
archives, notamment photographiques avec des portraits de Manet
et des photos d'époque du célèbre jardin,
l'exposition retrace l'évolution picturale de Monet au
regard de ses œuvres tardives.
De l'impressionnisme à l'expressionnisme
abstrait pour "capter l'enveloppe des choses"
Conçue
de manière chronologique, l'exposition révèle que le jardin
de Monet est peut être l'arbre qui cache la forêt même si Monet
est passionné d’horticulture et entreprend, d'une manière très
déterminée et rationnelle, l'élaboration d'un jardin d'agrément.
En effet, rien ne laisse sans doute présager que le soin méticuleux
qu'il apporte à la création du clos normand, puis du jardin
d'eau, qui s'explique par sa prédilection pour les fleurs à
l'anglaise avec des effets de masses plus continentales, le
sens et son goût pour les estampes japonaises, tend à l'élaboration
d'un atelier en plein air qui s'inscrit dans une démarche quasi
antinomique avec celle du peintre paysagiste impressionniste
de surcroît.
La disparition de la figure ("En norvégienne")
au profit du végétal ("Peupliers", "Matinées
sur la Seine"), les déclinaisons en "séries"
de motifs pour épuiser l'exploration synonyme de la couleur
et de la lumière, l'émergence d'un thème
exclusif d'inspiration ("Nymphéas"), l'exploration
obsessionnelle du thème du reflet, la disparition du
détail ("Nymphéas
et agapanthes"), la dissolution du contour ("Saules")
témoignent d'une quête inextinguible qui dépasse
la sollicitation formelle pour tendre vers une aspiration panthéiste
et métaphysique d'immersion et de révélation
sacrée dans la nature.
Une nature dont Monet dit : "elle est la grandeur, la
puissance et l'immortalité auprès de quoi la créature
ne semble être qu'un misérable atome".
C'est tout cela que révèle, sans tonitruance
ni effets scénographiques, cette bienvenue et intelligente
exposition. |