Pièce
chorégraphique conçue par Johanne Saunier et Jim
Clayburgh, avec The Wooster Group, Anne Teresa De Keersmaeker,
Isabelle Soupart, Kurt d'Haeseleer, Georges Aperghis et Johanne
Saunier.
A la fois Hérésie, et effacer l'ancien, le programme
de Johanne Saunier se développe en 6 partie élaborée
sur 3 ans. Pendant douze ans, Johanne Saunier a collaboré
comme danseuse au sein de la troupe Rosa, dirigée par
la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker. En quittant
cette troupe, elle tend à affirmer sa propre personnalité
de chorégraphe et danseuse.
Après une entrée en scène discrète,
l'éclairage recréant une atmosphère de
lumière naturelle, en survêtement Johanne Saunier
s'échauffe, seule en scène, quelques minutes.
Puis elle troque le survêtement pour une robe beige. Le
portant avec les accessoires du spectacle est à droite
de la scène.
Partie 1 :
Les lumières se font plus rasantes. Une scène
extraite du "Mépris" de Jean-Luc Godard, le
fameux dialogue d'ouverture entre Bardot et Piccoli "Et
mes fesses, tu les aimes mes fesses? Et mes cuisses, tu les
aimes mes cuisses?", passe en boucle sur la musique de
George Delerue. Les mouvements de Johanne Saunier, d'abord saccadés,
s'étirent dans la longueur, du temps et de l'horizontalité,
au rythme des questions de Bardot sur son physique. Jusqu'à
ce que se crée une résonance entre la voix féminine
et les mouvements de la danseuse. Des capteurs sont attachés
à ses bras, un micro sur la bouche amplifie les bruits
de souffle de l'effort.
Partie 2 :
La robe beige est troquée pour une robe blanche. Sur
une chorégraphie d'Anne Teresa De Keersmaeker, rentre
dans une transe sur des rythmes indiens. Le mouvement, qui finit
alangui dans la première partie, se fait dynamique, tonique,
tournoyant, tout en impulsion. Tout ceci est très agréable,
dynamique, explosif.
Le passage à la chanson "Jolene" de Dolly
Parton, est brutal, surprenant, presque désagréable
tellement Johanne Saunier avait auparavant emmèné
le spectateur dans son univers hypnotique. J'aime beaucoup le
chanson de Dolly Parton, mais malheureusement je n'ai pas compris
ce passage entre la transe d'un individu, et ce morceau qui
parle de couple. De plus, la chorégraphie perd le dynamisme
qui en faisait l'intérêt. Fin en queue de poisson.
Dommage.
Partie 3 :
Charles François, rentre sur scène. En costume
d'agent du FBI (sont-ce les lunettes noires ou les "ok,
ok, ok!" qu'il prononce régulièrement ?),
il monologue dans un micro, comme s'il parlait à son
QG. Ceci sert à détourner l'attention du spectateur
de Johanne Saunier qui est en train de se changer, et d'enfiler
une tenue de stretching. La partie dansée (ou roulée)
avec Charles François, est légère, agréable,
parodiquement sur le mode de la séduction. A l'entracte,
je quitte la salle agréablement surpris parce que j'ai
vu.
Partie 4 :
Au retour, les choses se gâtent un peu. Une caméra
surmontée d'une lampe a été amenée
sur scène. Au dessus, un écran tendu, permettant
de voir en noir et blanc ce qui est filmé, incrusté
entre d'autres vidéos. Des bruits de voiture, des lumières
rasantes qui évoquent les phares. La musique d'Angelo
Badalamenti, on est dans une interprétation dansée
de "Mullholland Drive", un hommage à David
Lynch dont l'atmosphère lourde est bien retranscrite.
Cependant, une fois le décor planté, l'atmosphère
bien rendue grâce aux lumières et à la musique,
quelques clés données par la robe rouge, ou la
perruque blonde, se distille chez moi une impression de quelque
chose de répétitif, comme un film dont on aurait
oublié un nœud scénaristique. Je m'ennuie,
et j'attends la cinquième partie.
Partie 5 :
Johanne Saunier est rejointe sur scène par deux danseuses.
Anna Massoni et Julie Verbinnen, l'une en robe verte, l'autre
en robe noire. Entre les danseuses s'instaure un échange
de mots et de bouts de phrases, répétées
comme dans certaines pièces de Steve Reich. Il se crée
donc une musique, une mélodie, par la gorge des danseuses.
Il s'agit d'un "texte musical" (?) de Georges Asperghis.
Les trois danseuses, par la chorégraphie aussi, se complètent
tout en ne rentrant pas dans une chorégraphie d'échange.
Elles terminent assises, dos au public, le nez collé
sur l'écran qui est descendu jusqu'à effleurer
la scène. Le tableau est beau, l'ensemble gracieux, le
principe intrigant et intéressant.
Partie 6 :
La danseuse à la robe noire s'éclipse, s'efface,
s' "erase". Le principe de cette dernière partie
continue comme la précédente, la litanie de mots
en moins. Et là encore, comme dans la partie 4, malgré
la grâce des danseuses, j'ai l'impression que le film
tourne un peu en rond, que cette partie finalement n'amène
pas grand-chose à l'ensemble.
Au final, sur les presque deux heures de spectacle, l'ensemble
est très riche, bourré d'excellents moments mais
que j'ai du mal à relier entre eux. Parfois aussi l'attention
du spectateur tend à se déliter dans des passages
qui semblent une redite. |