Diantre
! Aucune excuse cet été pour ne pas aller au Musée
Maillol qui présente une programmation décapante
et jubilatoire avec simultanément deux expositions luxuriantes,
iconoclastes et totalement roboratives : l'une, "Bye, Bye
Baby, Bye Bye" consacrée au graphiste belge Guy
Peellaert et l'autre "La civilisation
perdue" au peintre américain George
Condo.
Deux expositions d'ailleurs en résonance car si les
"Rock Dreams" du premier décortiquent les icones
américaines vu par un oeil européen, la comédie
humaine du second naît d'une véritable revisitation
de la peinture occidentale passée à la moulinette
de l'iconographie américaine.
Entre le grotesque et le kitsch, tel un Balzac picassien du
20ème siècle, George Condo dévoile la condition
humaine dans ce qu'elle a de plus trivial.
Il
épingle la société contemporaine dans ce
qu'elle a d'immanent et de tragiquement burlesque, et le titre
"La civilisation perdue" qualifiant ses dernières
oeuvres en date, peintures et sculptures, qui évoque
autant l'Eden biblique qu'un nouvel épisode des aventures
d'Indiana Jones, laisse la porte ouverte à toutes les
interprétations selon la sensibilité de chacun.
Immersion à Condoland
Historien d’art, musicien et peintre, George Condo qui
fut sérigraphe à La Factory, bassiste d'un groupe
punk des années 80 The Girls et à Cologne, membre
du collectif punk néo-expressionniste Mulheimer freiheit,
est résolument un dynamiteur de certitudes et érige
le syncrétisme au rang des beaux arts.
Dans son essai pour le catalogue de l'exposition, Didier Ottinger
a trouvé une formule séduisante avec "Jeu
de massacre : Picasso chez les pieds nickelés".
Ressortissant globalement au Bad painting, le bouillonnement
stylistique de George Condo, sans aller, à la manière
du philosophe et psychanalyste Félix Guattari, décrypter
ses toiles pour y voir "une fonction processuelle et réparatrice
du soi pychanalytique", résiste à l'étiquetage
même si les critiques utilisent les termes d'abstraction
figurative, d'abstraction physiognomonique ou de drolerie élégante.
George
Condo y substitue les termes de réalisme artificiel pour
caractériser une démarche mnésique : "Ma
mémoire est composée de fragments que je veux
mettre en état de continuité".
De la peinture classique aux cartoons en passant par les mouvements
phares de l'art moderne, il procède d'un syncrétisme
effervescent qui insère dans la grande marmite de la
bouffonerie des ingrédients aussi variés que la
caricature, le pastiche et la pratique ogresque de la variation
picassienne.
Lascives
ou déchaînées, ses femmes sont souvent des
walkyries callipyges au visage terrifiants et ses hommes des
copulateurs poilus dont le sexe leur monte au nez, les deux
participant tout autant à des démonstrations de
turpitudes, d'orgies et de folie.
La truculence formelle et la virtuosité technique entraînent
un véritable choc visuel et pour oser une comparaison
hardie on pense à un petit fils trash du dessinateur,
affichiste et peintre français Albert Dubout dans sa
période San Antonio.
Conçue sous le commissariat conjoint du directeur et
du conservateur du Musée Maillol, Olivier
Lorquin et Bertrand Lorquin,
cette monstration clôt brillamment le cycle d’expositions
consacré à la jeune peinture américaine
de la scène new-yorkaise des années 80. |