Qui n’a pas un jour fantasmé sur un festival en pleine nature, un sandwich au foie gras dans une main et un litron de rosé dans l’autre ? Vous en aviez rêvé ? La Nef l’a fait. En effet, depuis trois ans la mythique salle d’Angoulême organise sur le site de la ferme des Valettes un festival rock alliant programmation souvent irréprochable, restauration de qualité et démarche de développement durable.
Entre gobelets réutilisables, cendriers géants, toilettes à la sciure ou bidons destinés à faire du compost, la Garden Nef Party demeure un modèle du genre. Au point d’en faire le meilleur festival français à taille raisonnable – à égalité avec la Route du rock. Deux scènes face à un terrain en pente, une douzaine de groupes et une dizaine de milliers de personnes chaque soir.
Première invitée de cette édition 2009, la pluie qui jouera à cache-cache avec les festivaliers tout au long du week-end.
Histoire de lancer les hostilités en beauté, les organisateurs ont eu l’idée lumineuse de faire appel à la petite Izia.
Auréolée d’une filiation en béton armé – avec un paternel répondant au nom de Jacques Higelin, cette enfant de la balle aura tôt fait de faire oublier son jeune âge en assenant une bonne dose de gros rock gonflé à bloc.
Rien de franchement novateur au niveau des compositions : les boys abattent du riff au kilomètre pendant que la gamine gueule comme une possédée. Efficacité maximale garantie.
Papa a d’ailleurs dû veiller au grain pour le recrutement du backing band – d’où un décalage évident avec la chanteuse. Pourtant, malgré une balance effroyable, force est de constater que du haut de ses dix-huit ans, Izia impressionne et magnétise son auditoire. Usant de sa spontanéité comme de sa gouaille pour faire mouche.
Translation vers la grande scène pour Stuck In The Sound dont on ne peut que constater les progrès faits depuis leur Rock En Seine 2005.
Le quatuor parisien semble avoir gagné en maîtrise instrumentale et scénique ce qu’il a perdu en fraicheur. En effet, l’écriture tendue des débuts a laissé place à une approche plus travaillée, plus ambitieuse. Pour un résultat fort décevant, la majorité des nouveaux titres tournant désespérément à vide. Reste une prestation aussi sympathique qu’inoffensive, ponctuée de trop rares réussites ("Toyboy").
Pas mécontent donc de reprendre la direction de la scène Valette pour Joe Gideon & The Shark, reprenant la classique recette du duo masculin-féminin guitare-batterie.
Contrairement aux White Stripes, nos deux acolytes sont véritablement frère et sœur dans la vraie vie.
S’adonnant à un blues aussi minimaliste que poisseux – bien que très sage, le duo gratifiera les spectateurs d’une sympathique prestation, idéale en cette après-midi alors que le soleil pointe timidement le bout de son nez.
Pour avoir croisé leur route à de nombreuses reprises – au point de croire un temps à une malédiction, on savait que Phoenix s’apparentait à un groupe de bal pour midinettes. Pourtant, la sortie unanimement acclamée de leur nouvel opus – timidement intitulé Wolfgang Amadeus Phoenix – suggérait de faire table rase du passé.
Pour cette tournée estivale, le quatuor recevait le renfort de Rob, sorte de Sébastien Chabal adulte auteur de musiques pour somnambules. Du sacré beau linge. Dès les premiers morceaux, tout porte à croire que Thomas Mars et ses acolytes ont changé : décontractés du polo, plus communicant avec le public, moins pédant qu’à l’habitude. On se prend à croire un instant à un revirement historique. Sur scène, le groupe arrose – au pistolet à eau – sur le dernier album, réchauffe les tubes pop putassiers du premier. Une bien belle machine... Carrément bien huilée qui plus est. Du travail d’orfèvres. Rien ne dépasse. On mangerait par terre.
Et c’est bien là le drame des versaillais. Malgré des intentions certainement louables, Phoenix s’empêtre dans des compositions pop ambitieuses, aussi complexes qu’insipides. Totalement inexpressives.
Mais quel ingrédient peut bien manquer ? Très clairement la touche de génie : on n’accouche pas d’un Pacific Ocean Blue en en faisant son disque de chevet durant quinze ans. Phoenix demeure plus que jamais un groupe aussi besogneux qu’ennuyeux. En moins insupportable qu’avant toutefois. Et le désamour de continuer…
Découverts en plein cagnard dans le cadre improbable du parc Juan Miro en marge de Primavera, Sleepy Sun constituait sans conteste un des principaux highlights de cette première journée. Une véritable leçon de rock psychédélique moderne en prévision. Clairement, Sleepy Sun ne fait guère avancer le genre tant son style sonne comme un assemblage de diverses influences sans réelle synthèse personnelle : entre Comets On Fire et Brightblack Morning Light pour les plus jeunes, Big Brother & The Holding Company et Crazy Horse pour les ainés. Ou comment rabibocher stoners et hippies.
Pourtant l’intégrité, la radicalité dont font preuve ces jeunes californiens force le respect. Par ailleurs, la puissance scénique dégagée par le sextet, entre hurlements de guitares, grondements de batteries, vrombissements de basse s’avère stupéfiante. Tout comme ces passages calmes, libérés, secoués de percussions tribales, comme directement sorties du premier album de Santana. Voilà enfin lancée l’édition 2009 de la Garden Nef Party !
Etrange jeu de montagnes russes, auquel se sont livrés les programmateurs en ce premier jour… En effet, arrive ensuite Ghinzu, pour ce qui restera sans conteste comme le plus mauvais concert du week-end.
Rien à sauver… De la grandiloquente entrée sur le thème de Star Wars à la panoplie du parfait poseur des musiciens (lunettes et costumes noirs, clopes au bec…), le tout porté par un mauvais goût musical caractérisé, l’arrogant quintet belge ne recule devant rien. Un spectacle d’une telle médiocrité, une telle succession de clichés éculés prête à rire tout en agaçant copieusement. Espérons que la direction du festival ait eu la présence d’esprit de pisser dans leurs bières avant leur retour dans les loges pour laver un tel affront. Pitoyable.
Révélation de l’année 2008, Blood Red Shoes nous avait fait forte impression à l’ATP Breeders en mai dernier : une alchimie surprenante, de l’énergie à revendre, un batteur-chanteur plus stupéfiant encore que sa partenaire…
Malheureusement, tétanisés par l’enjeu, le duo britannique semblait ne pas avoir donné la pleine mesure de son talent. Dès son arrivée sur scène, Laura-Mary Carter décoche quelques riffs bien sentis, aussitôt soutenu par Steven Ansell derrière ses fûts. Ces deux là jouent les yeux fermés, à un rythme effréné, avec une complicité rarement observée.
Oubliés ce soir les gênantes ressemblances entre les titres ou les agaçants accents pop à la Brian Molko, leur prestation tutoiera les sommets, virant même carrément noisy en dernière partie de set pour notre plus grand plaisir.
L’heure de la revanche a sonné. En effet, autant dire qu’après cet Olympia en mars dernier où nos quatre écossais ont trouvé le moyen de foirer un concert de Franz Ferdinand, réparation était attendue de pied ferme. Fort heureusement, ce soir Franz Ferdinand fut à peu près intouchable ; sans pour autant atteindre les sommets d’un Rock En Seine 2005. Malgré un final toujours aussi raté sur "Lucid Dreams" et une moitié de nouveaux titres tout aussi dispensables.
Pour le reste, rien à redire durant les quatre vingt dix minutes de show : de l’entame survoltée sur "No You Girls", au trio magique "Matinee" - "Michael" - "Take Me Out" en passant par "Do You Want To" et "Ulysses", Franz Ferdinand déballe une impressionnante série de tubes. Confirmant son statut de poids lourd du rock actuel porté par un Alex Kapranos littéralement déchaîné, s’adonnant sans retenue à une pratique inattendue du français : "Vous kiffez ?", "Vous vous éclatez ?", "Vous êtes formidables !". Difficile de succéder à un tel ouragan.
C’est pourtant la tâche ingrate incombant à The Night Marchers. Lesquels s’en sortent honorablement l’espace de quelques chansons. Avant que leur rock-punk hyper speedé finisse par tourner sérieusement en rond. Pas désagréable dans l’absolu mais clairement épuisant sur la longueur.
Inutile ensuite de s’attarder devant l’infâme mascarade electro donnée par Vitalic devant un troupeau d’aficionados ayant manifestement subi une ablation partielle du cerveau pour supporter un tel spectacle.
Le français n’a pas encore mis un terme à ses bouffonneries que déjà, sur la scène Valette, Jon Spencer trépigne d’impatience. Installé devant ses amplis, peaufinant ses derniers réglages, il tentera en vain de convaincre ses compères d’attaquer avant la fin de l’autre concert. En digne gardien du temple rock’n’roll face à un tel déluge de décibels électronique.
Après quasiment dix ans d’absence, on attendait avec le retour de Boss Hog, celui de Cristiana Martinez. Vêtu d’un collant et d’une veste de fourrure, Cristiana magnétise autant qu’elle aguiche les derniers irréductibles par son jeu de scène des plus sensuels. Mais étrangement, en dépit d’un positionnement volontairement en retrait, ce diable de Jonathan réussit encore à tirer son épingle du jeu, finissant même par reléguer sa femme au second plan au bout de quelques titres.
Travailleur de fond, architecte du son Boss Hog, le guitariste de Blues Explosion irradie le public de son attitude rock’n roll innée comme de son atypique jeu de guitare. Bon point au niveau de la setlist : les nombreux inédits dévoilés devraient laissent présager la sortie d’un nouvel album. Chouette prestation dont on ne pourra que déplorer l’étrange positionnement ainsi que l’horaire trop tardif (2h30). Une journée certes longue à démarrer mais émaillée de franches réussites et d’excellentes surprises. Angoulême comme on l’aime. |