Conférence de presse – un peu – chaotique, américain mâchouillé et dégaine d’homme paillasson, Bradford Cox c’est Deerhunter, un groupe dont on n’a jamais vraiment su quoi penser. Encensé par Pitchfork dès leurs débuts, le – jeune – groupe joue ce soir en quasi ouverture de la scène du fort de St Père. Étonnamment, les premières chansons du set sont rageuses, tranchantes, portées par la taille 36 d’un leader qui flotte dans ses vêtements. Songwriting avisé, présence scénique plus que correcte, Deerhunter, ok, donne une bonne prestation, la foule éparse a de quoi savourer un peu de mélodie, avant l’arrivée de My Bloody Valentine... On en parle deux paragraphes plus loin.
Premières têtes d’affiches à poser les pieds sur la scène du Fort, Tortoise débute en fanfare avec les titres du dernier album en date, l’excellent Beacons of Ancestorship.
Fanfare, c’est le terme exact pour décrire le concert de Tortoise. Une lente montée de majorettes à moitié chauves sur un rythme tribal ; les premiers titres sont – logiquement – ceux du dernier album, et avouons-le clairement, ils s’écoutent de façon bien plus digeste que les plus vieux titres.
C’est du moins la première impression, en écoutant les Chicagoans. Tour à tour jazz smooth ou soft-rock, chaque titre s’habille de montées, de crashs, d’un peu de violence fulgurante. A l’aube de la nuit, Tortoise impressionne, par son jeu pur et instrumental, mais aussi pour les changements de rôle. Tour à tour batteurs, synthés, guitaristes, les musiciens de Tortoise s’amusent sans un mot, s’interchangent comme des robes ; bref, un beau défilé qui dure hélas un peu trop, jusqu’à ces 20 minutes de batucada prog’ où le rythme des deux batteries ressemble davantage à jam brésilien qu’à du Tortoise. Anyway, la basse de Doug Mc Combs fait vibrer les intestins, on oscille entre les rythmes de l’Afrique et le kraut neuronal, le tout se finit sur un titre historique de TNT (1998) et toute la foule semble y trouver son compte.
23h, l’heure du larsen, voilà la star attendue de la première journée, voirée du festival. Kevin Shields, My Bloody Valentine, pour leur unique concert en France cette année. Dire que l’attente est insoutenable, c’est encore en dessous de la réalité pour le groupe symbole des late 80’.
Vingt ans plus tard, Shields ressemble davantage à Bill Murray dans Lost in Translation qu’à un chanteur de rock. Dur à dire, mais Shields ne dit rien, en entrant sur la scène, devant ses enceintes de mur du son. Que dire d’autre ? Avalanche de guitares, 123dB au compteur, un Shields mécontent de ne pouvoir jouer plus fort, un public qui se bouche les oreilles, de gros problèmes de son qui polluent le mix, des dizaines de spectateurs qui fuient le concert, des centaines qui rappliquent...
My Bloody Valentine fait gicler le sang des enceintes, c’est indéniable. "C’est moins fort qu’en 1992" confie un fan. Tout de même assez pour couvrir le chant de Shields, un concert ressemblant davantage à une jam entre potes de Manchester qu’à un retour triomphal.
On voit d’ici les fans transis nous couvrir d’insultes (et c’est bien leur droit), mais My Bloody Valentine en 2009, c’est Airbus + Tsunami + Larsen. Extrêmement décevant, insoutenable de bout en bout. Sommes-nous trop vieux, trop jeunes, pour ce raz-de-marée ? Le set se termine par dix minutes d’apocalypse sonore, ce soir à St Malo, il ne fallait surtout pas être épileptique.
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