Ça commence dans la ouate et le sucre, et ça ne les quittera plus. Dès "Born on a day the sun didn't rise", excellent titre d'ouverture, Black Moth Super Rainbow hybride Air et le Gainsbourg de Mélody Nelson. Apesanteurs synthétiques, électro-errances des plus colorées, tenant autant du LSD que du Dragibus.
Eating us est le quatrième album de la formation de Pittsburgh, après trois autres sous le nom de satanstompingcaterpillars. Autant dire qu'on n'a plus affaire à des jeunes premiers. Pourtant Eating us a quelque chose d'inédit : ce n'est pas un album lo-fi. Pour la première fois, les membres du groupe sont véritablement entrés en studio, et ont confié la barre de leur épopée musicale à un capitaine de renom : David Fridmann, connu pour son travail avec les Flaming Lips et, plus récemment, MGMT. En résulte un son plus doux, aux courbes plus arrondes, aux psychédélies languides.
Pour le reste, le vocoder est toujours omniprésent, le Fender rhodes et le mellotron finissant de tisser un univers musical à la densité souvent dangereusement proche de zéro, tout d'hypnotisme et d'harmonie, où les vibrances occasionnelles de la basse, les percussions nonchalantes, ne peuvent que se faire shamaniques – d'un shamanisme électro-pop (comme on dirait “messe cathodique”), qui aurait gardé quelque chose des élucubrations grandiloquentes de Tangerine Dream, la fascination pour la tension dramatique en moins. Lorsque le délire cotoye la paix intérieure. Les voyages de l'âme, tout à fait étymologiquement.
Eating us pourrait bien être l'album de la reconnaissance pour Black Moth Super Rainbow, le regain de qualité de la production, loin d'en dévoyer l'esprit, permettant d'en révéler la richesse et les beautés. Un disque hypnothique, ensorcelleur, qui aura pour lui l'aveuglement que provoquent la sérénité, la plénitude. Regarder le soleil en face, cligner des yeux et admirer les formes qui se dessinent sur le papier peint. Reprendre un Dragibus. Être là. Au centre de l'univers, où qu'on soit. Tout simplement. |