La route du Rock n'a, cette fois encore, pas failli à sa réputation : un festival qui maintient cohérence et exigence depuis près de vingt ans. Nous ne saurons pas pourquoi France Inter a déserté les côtes malouines pour cette édition, et nous nous interrogeons encore si Arte diffusera quelques uns des concerts dans son intégralité. Petite consolation pour les absents qui entendront (parce qu'ils peuvent encore entendre) longtemps parlé de la prestation inouie du plus punk des groupes noisy : les vétérans de My Bloody Valentine. Sans contestation, évènement majeur du festival.
Saint Malo, La Route du Rock : une affiche rose pour évoquer Loveless du groupe phare de cette édition. Une cassette et deux os sur fond noir pour composer un drapeau de pirates. Et notre esprit à dériver sur ce symbole de dissidence. Pirates comme ces aventuriers de la mer, ces "sombres héros de l'amer" devrais-je dire comme le chantait Noir Désir, un des groupes rock français, souvenez-vous. Cette saison seul Dominique A figure au programme pour porter haut les couleurs françaises. Il confiera à Paplar, journal du festival, qu'il imagine bien Holden au programme de la Route du Rock.
Pirate encore, comme ce bateau qui longeait les côtes britanniques et diffusait du rock au nez et à la barbe ds autorités politiques. Précurseur des radios libres. Des os comme des baguettes de batterie et une cassette comme une bouteille jetée à la mer. Ces bouteilles où se lisent des années après, des messages d'appel à l'aide, des témoignages désespérés. "I send an SOS to the world, I hope that someone get my... message in a bottle" pour citer Police. Cassette d'il y a une vingtaine d'années, nouveau Valentine confectionné pour ceux que nous aimions. La Route du rock, on peut le dire, s'est construite sur ces enregistrements pirate, des émissions de Bernard Lenoir du France Inter notamment (tiens j'y pense, encore du Noir !).
Alors aujourd'hui Myspace et Hadopi : les deux versants de la création vivante. Distribution gratuite et répression du piratage. Une industrie du disque qui perd la tête. Que la Route du Rock ne finisse pas en cul de sac pour autant.
En 2008, le président de Rock Tympans et organisateur de l'évènement, François Floret lançait un signal d'alarme : le festival est en faillite, le bateau coule. Ainsi mobilisa-t-il les fans, les enfants (de la Route) du Rock et demanda une participation financière aussi symbolique soit-elle histoire d'écoper le déficit. Et ça marche, le moteur remet les gaz. Cette année, il confiait à Ouest France qu'il avait reçu un don de 6000 euros : une somme ! Le vent dans les voiles, l'aventure continue. D'autant qu'il y a deux éditions par an : l'hiver en février et le week-end du 15 août.
Les artistes savent aussi s’en souvenir, ils viennent et reviennent, sur une petite scène, puis une plus grande et enfin, consécration, la scène du Fort. Pas ingrats, les Grizzly Bear se rappellent qu’ils étaient venus il y a trois ans, que c’était à peu près leur premier concert en France. Ils sont de retour.
Cette année, le festival a coûté 1 300 000 euros, petit budget comparé aux Vieilles Charrues, autre grand évènement breton. Mais attention, la qualité n’est pas au rabais.
Passons maintenant à cette programmation, embarquons dans la navette de la Route du Rock qui fait escale au droit du Palais du Grand Large (Casino Barrière) qui accueille également les artistes de la journée.
On the Road, en version originale tellement le public est pour moitié britannique. Ils le disent eux-mêmes, la Route du Rock est plus agréable que les grosses machines Reading/Glastonbury d’une part plus chères (et de beaucoup), et inquiétantes par ses débordements, ces naufrages dans l’alcool qui accompagnent désormais beaucoup trop les festivals. A Saint-Malo, on sait (Loïc) Raison garder. A l’exception de ce groupe de jeunes un peu "avancés" qui hurlaient dans la navette "le coup de boule c’est la spécialité brestoise, quand tu cherches des pouilles, quand tu cherches des noises", bon c’est à peu près les paroles. Avec des relents à la Miossec (Brest of, rappelez-vous). Depuis, on l’a un peu perdu de vue, il se serait égaré gare Montparnasse.
Ah, cette navette que l’on attend déprimé pendant quelques minutes jusqu’à ce qu’un Brestois sympathique, (ça compense), nous conduise après maints détours à bon Fort (merci Armel !). Et ces vieux messieurs (toujours dans les navettes), conciliants qui reconduisent les popeux ensommeillés, au bercail, la fête terminée. Sur la Route du Rock, les bénévoles sont d’une générosité et une patience à toute épreuve. |