Soliloque
comique d'après Jean-Paul Dubois, adaptation et mise
en scène de David Teysseyre, avec Roch-Antoine Albaladéjo.
La Compagnie du Théâtre du Cabestan basée
à Avignon a eu l'heureuse idée de monter à
Paris avec sa toute dernière création en date,
une comédie drolissime aux accents parfois kafkaiens.
"Vous plaisantez, Monsieur Tanner", adapté
du roman éponyme de Jean-Paul Dubois, narre les mésaventures
héroïco-comiques dudit monsieur que la travaux d'aménagement
d'une maison dont il vient d'hériter va entraîner
dans l'enfer de la rénovation qui, plus que l'ordinaire
parcours du combattant, va revêtir pour lui le caractère
d'un véritable chemin de croix, victime expiatoire et
masochiste d'un fatum inéluctable qui le voue aux entreprises
véreuses et aux ouvriers fantaisistes voire incompétents.
L’adaptation, la scénographie, la dramaturgie
d'un texte pétri d'humour caustique, et parfois d'humour
noir et de constats hyper réalistes qui tendent à
une vraie métaphysique du chantier, ainsi que la direction
d'acteur de David Teysseyre sont impeccables. Alternant judicieusement
narration, soliloques et dialogues croustillants à une
seule voix, il signe un spectacle totalement réussi et
jubilatoire.
Sous les lumières travaillées de Vincent Lemoine,
un water-closet suspendu, une douche improbable et un robinet
sans évier constituent, un réseau labyrinthique
de tuyaux et des parpaings dressent un habitat quasi surréaliste
érigé par un bricolo du dimanche qui aurait lu
les fiches pratiques de Casto à l'envers. C'est dans
ce décor alambiqué et quasiment hostile, que va
se débattre Roch-Antoine Albaladéjo, comédien
aguerri, qui s'empare avec brio de cette partition pour homme
seul.
De déconvenues en effarement, de déception en
colère, de menaces en résignation, de crise de
nerfs en dépression, il arpente tous les états
et tous les sentiments qui envahissent le malchanceux propriétaire
d'une maison comme dotée d'une vie propre qui annihile
ses forces vitales comme elle lui suce ses économies,
et, sans artifice de Frégoli, interprète tous
les personnages hauts en couleurs d'une savoureuse fresque ouvrIère.
Un spectacle médicalement recommandé pour tendre
à la zénitude en ces temps où souffle un
vent de folie de rénovation quand on n'est pas un as
de la bricole ni l'heureux sélectionné par M6
Déco, d'autant qu'il est doublement cathartique par l'identification
compassionnelle avec l'anti héros - qui n'a pas eu affaire
à un plombier dadaiste ? - et par la satisfaction égoiste
de constater qu'il y a des plus mal lotis que soi dont il est
roboratif de se moquer gentiment. |