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Interview  (Saint-Etienne)  21 juin 2009

C'est le 21 juin, jour de la fête de la musique que nous avons rencontré les quatre membres de Jerri. C'est l'occasion pour Anthony, Laurent, Flavien et Mickaël, de nous en dire plus au sujet de ce projet regroupant Angil et Deschannel.  Les stéphanois nous font partager ici leur grand enthousiasme qu'ils ont eu à l'élaboration de ce nouvel album.

Pourquoi ce nom "Jerri" ?

Mickaël Mottet : C’est le nom du fils de John Venture dans des paroles qui ont été écrites par Fabb, le chanteur de B R OAD WAY, avec qui nous avions fait The John Venture – Angil + B R OAD WAY – il y a deux-trois ans. Le fils de John Venture dans les paroles de Fabb s’appelait Jerry Myad.

Anthony Goncalves : On a opté pour ce nom là suite à des mésententes. Jerri devait être John Venture n°2, c’est-à-dire autour du même collectif, en gardant le même nom. Après la réunion Angil-B R OAD WAY, il devait y avoir la réunion Angil-Deschannel. Après débat, il s’est avéré que ce n’était pas le John Venture 2, Jerri s’est retrouvé être un vrai groupe avec, du coup, la petite parenté John Venture.

Est-ce qu’il y aura finalement un troisième volet (B R OAD WAY-Deschannel) ?

Anthony Goncalves : Il y aura clairement des suites de Jerri. Et la réunion B R OAD WAY-Deschannel dans le futur, pourquoi pas.

Mickaël Mottet : Il y a déjà Jan-Deschannel. Anthony a déjà fait de la musique avec juste Jan de B R OAD WAY qui est le garçon qui s’occupe des machines dans B R OAD WAY, et des claviers. On pourrait dire qu’il est le compositeur de B R OAD WAY. Ils ont donc déjà fait un projet ensemble qui est très chouette. Il sortira ?

Anthony Goncalves : A vrai dire, il est sorti sur Phoebus Records, le label de Laurent.

Que raconte l'album de Jerri ?

Anthony Goncalves : Il vaut mieux laisser répondre à Mickaël qui a écrit les paroles.

Mickaël Mottet : Comme j'aime bien toujours utilisé des procédés de restriction, cette fois je me suis dit que j'allais essayer de placer une citation des paroles de John Venture par chanson de Jerri. Je m'y suis tenu presque sur tous les morceaux de Jerri, pas tous. Il y a donc effectivement beaucoup de citations de John Venture, notamment de paroles de Fabb sur lesquelles je rebondis.

Si on prend un exemple, dans "Go fight your war", je parle d'un reportage sur le désengagement de la bande de Gaza pratiqué par les soldats de l'armée israélienne eux-mêmes, qui m'avait beaucoup marqué. J'en profite pour parler de ce que c'est que la fin d'un groupe, ce que cela entraine et où du coup je parle du John Venture, tout en citant des paroles. Je fais une espèce de parallèle dont je suis peut-être le seul à comprendre (rires).

J'imagine qu'il y a des gens à qui cela peut parler une phrase comme "Go fight your war". Volontairement, c'est une adresse très directe. Chacun a sa guerre à mener.

De qui sont les photos de la pochette de l'album ?

Laurent Holdrinet : C'est moi qui les ai faites. Ce sont plein de photos de scan de négatifs. C'est arrivé tout bêtement, cette idée de pochette. Je revenais de mon petit périple Suisse-Autriche-Allemagne, un trip photo à dormir dans ma voiture. A ce moment là, on était à la composition et on allait attaquer le premier enregistrement à la Fabrique. Mickaël et Flavien sont passés chez moi, j'étais en train de numériser mes négatifs et je leur ai montré en gros les planches contact. Le rendu, l'effet patchwork a interpelé Mickaël. Comme j'avais pas mal de matière en photo, du coup, on est parti sur un aspect planche contact pour la pochette vinyle. Cela a été fait grandeur nature, avec les petites photos découpées et collées. Ensuite, c'est du scan.

Comment l'album a-t-il été écrit ? Est-ce qu'il y avait une sorte de cahier des charges ? Est-ce que chacun a tenu un rôle bien déterminé ou est-ce un travail collectif ?

Flavien Girard : Cela a commencé par des rencontres quand même. On a écouté de la musique avant, en se disant que l'on aimerait bien ce son là, ce genre de chansons là et la contrainte...

Laurent Holdrinet : C'était joué à se faire peur, souviens-toi !

Flavien Girard : Exact ! Et aussi, on devait utiliser "quasiment" – parce qu'Anthony a amené des instruments – uniquement les instruments qu'il y avait dans le garage de Mickaël. C'était notre local de répétition. Il y avait une batterie, un farfisa, deux guitares, une platine vinyle, plus les claviers d'Anthony.

Et les textes, c'est collectif comme les arrangements pour la musique ?

Mickaël Mottet : Non, j'avais écrit les textes à l'avance. En fait, ce qui est drôle, c'est qu'il y a eu un processus pendant quelques mois ou quelques semaines en tout cas, avant ces premières fois où l'on s'est rencontré.

Je leur envoyais régulièrement des démo que je faisais où je posais les textes que j'avais écrits. Donc, au fur et à mesure que je les écrivais, je faisais une petite musique vite fait. Il y en a finalement une qui est restée relativement proche de la version démo, c'est "Cum-operat(ed)". A part ça, les autres n'ont rien à voir avec ce que j'envoyais ce qui n'a aucune importance c'était histoire de justifier le fait que j'avais écrit ces paroles. Pour moi, j'avais besoin de les poser et qu'il y ait un truc de concret. Finalement, peut-être le fait de vous avoir envoyé ça nous donnait des idées d'un devenir possible, sans dire ah bah tiens, on va jouer les mêmes accords ou les mêmes sonorités.

La première composition que l'on est faite, c'est "The Chap Hat". On s'installe, on branche les micros, les claviers, etc. Laurent se met à jouer cette mélodie. Je lui dis : "C'est quoi ? C'est quelque chose que tu connais, c'est-à-dire que un truc que tu as composé il y a deux ans et là, tu nous le joues !" (rires). Laurent me répond : "Non non, j'essaie un truc". Moi : "bah vas-y, continue !"

Anthony Goncalves : C'était super bien ! Moi, j'avais plein de trucs à installer. Je me dépêchais de finir d'installer pour jouer avec eux, j'avais trop envie ! On a fait deux sessions de trois jours pour la composition. C'était une grosse émulation : 3 morceaux par jour en général.

Mickaël Mottet : Il n'y avait pas de méthode. Le fait que Laurent ait commencé à jouer cette mélodie et que Flavien soit allé se mettre à la batterie, que moi j'ai trouvé que ça collait bien avec tel texte et qu'Anthony ait placé des accords dessus, tout cela est finalement très spontané, très physique. On n'a pas établi de rôles – toi tu feras ça et après il se passera ça – pas du tout.

L'album a été enregistré dans un temps très court, puis 6 mois après. Pourquoi ? Qu'est-ce que cela a changé ?

Anthony Goncalves : On avait eu une première session en août 2008. On avait enregistré piste par piste par nos propres moyens les morceaux consécutivement aux périodes de création, sachant que l'on était assez limité au niveau prise de son. A la rentrée, on a commencé à faire des concerts. On s'est aperçu que sur scène, il y avait quelque chose de vraiment spontané. Il y avait eu une progression et on maitrisait les morceaux. On s'est rendu compte qu'enregistrer en live collait beaucoup plus avec l'esprit de Jerri.

Mickaël Mottet : Ce que l'on avait envie d'entendre.

Laurent Holdrinet : Un groupe de garage ! On est un groupe de garage de Mickaël ! (rires)

Anthony Goncalves : On a eu envie de réenregistrer en live avec Nico, une personne qui travaille à la Fabrique doté d'un talent assez remarquable. On a refait une session en janvier.

Vous êtes très attachés au vinyle. Pourquoi cette volonté de vouloir sortir ce disque sous ce format ?

Mickaël Mottet : Au départ, c'est une volonté presque rationnelle. C'est se dire que ça ne sert plus à rien de sortir un support physique ou quasiment plus à rien. Donc, tant qu'à faire, autant faire un truc beau, avec un visuel qui ait du sens.

Anthony Goncalves : La pochette était réfléchie par Laurent en tant que pochette vinyle.

Mickaël Mottet : Et à l'arrivée, les chansons aussi. Une fois qu'on les avait composées, on les enregistrait et on regardait ensuite la durée : "Houla ! 7 minutes 30 ! Ah non, il faut que l'on réduise à 2 minutes !". Je me souviens qu'il y avait des discussions où l'on disait : moi, je vais enlever tel couplet, on ne fera plus tel pont parce que ça va tenir sur la face A. On a vraiment raisonné comme un vinyle d'entrée, avec une face A, une face B, l'enchainement des morceaux...

Flavien Girard : Et d'une manière générale, quand j'achète un vinyle, j'achète de la musique vraiment alors qu'un CD, tu achètes un support sur lequel il n'y a pas vraiment de la musique, finalement.

Anthony Goncalves : Ce sont des 1 et des 0.

Mickaël Mottet : Là, des 1 et des 2 par contre ! (rires) Et puis tellement de gens de notre milieu et de notre génération continuent à acheter de la musique uniquement sur vinyle.

Laurent Holdrinet : On part du principe que les gens qui écouteront Jerri auront le même précepte que nous, c'est-à-dire que le vinyle est le vrai objet de musique.

Sur les morceaux, chaque musicien a une place différente. Est-ce que c'est un exercice de style ou au service de la musique ?

Mickaël Mottet : Oui, c'est une bonne formulation : c'est pour être au service de la musique... Qu'est-ce qui est au service de la chanson ? Personnellement, c'est de plus en plus ce qui me motive, même dans les chansons d'Angil. La question de fond, c'est toujours : qu'est-ce qui va dans le sens de la chanson ? C'est ce que l'on se disait tout à l'heure : spontanément, quand Anthony se met à jouer une mélodie comme "Clayton's theory", vers quoi est-on attiré spontanément ? Pourquoi ai-je envie de jouer ces accords là à la guitare ? Enfin, ce n'est pas vraiment la question, pourquoi...

Flavien Girard : C'est parce que ! (rires)

Mickaël Mottet : On le fait, c'est agir. Après, cela n'empêche pas de raisonner un peu. "Clayton's theory" est un bon exemple : en cours de route, on va changer d'instruments. Evidemment, ce sont des décisions après coup. On commence à faire tourner le morceau et à la fin on s'aperçoit que ce serait bien qu'il y ait une batterie. Et du coup, Antho dit : il n'y a pas de problème, je vais arrêter la guitare à cet endroit là, aller me mettre derrière la batterie, profiter d'un break dans la chanson et puis finir le morceau derrière la batterie. Mais tout ça, cela reste vraiment très spontané.

Anthony Goncalves : Au service du morceau, c'est-à-dire que chacun en tant que membre de Jerri peut amener au morceau.

Par contre, à la voix, il n'y a que toi, Mickaël. Personne n'est motivé pour chanter ?

Flavien Girard : Disons qu'il y en a qui ont du talent pour et puis d'autres cherchent le talent mais ne le trouve pas ! (rires)

Laurent Holdrinet : Ah bah je pourrai faire des chœurs !

Anthony Goncalves : Je trouve que c'est impossible de dissocier les paroles de l'interprète. Et puis tu mets l'intention quand tu sais exactement ce que tu dis.

Mickaël Mottet : La question ne s'est pas posée. Par contre, on savait d'entrée qu'il y aurait des invités. On savait que l'on voulait inviter assez tôt Dimitry et Laëtitia.

Ce n'était pas un concours de circonstance.

Mickaël Mottet : Non, on s'est dit ces deux là !

Flavien Girard : Ce n'était pas "il nous faudrait des invités alors qui on voudrait ?". C'était on voudrait Dimitry et Laëtitia.

Vous avez su mêler les univers des deux groupes. Est-ce qu'il y a eu des tensions ou des concessions à faire ?

Anthony Goncalves : Honnêtement, il n'y a rien eu du tout. Jerri est une entité.

Laurent Holdrinet : Il n'y a pas eu plus de mélange que ça. On s'est juste retrouver les quatre avec nos préférences, nos propres discographies, avec des instruments dont on savait tous quoi faire avec. On pourrait dire que c'est peut-être le côté Deschannel le moins présent, mais finalement cela ne voudrait rien dire puisque Jerri, ce n'est vraiment que quatre personnes, cela représente vraiment un groupe.  Au final, savoir quelle partie est de telle entité...

Mickaël Mottet : Ce n'est pas quantifiable, pas du tout ! Je crois qu'à aucun moment un de nous quatre a vu la réunion d'Angil et de Deschannel. On a tellement saisi, à la seconde où l'on a commencé à jouer de la musique ensemble, que l'on était un groupe que cette notion de mélange a disparu. Alors qu'elle était très présente dans John Venture. On insistait même avec B R OAD WAY, on était tous d'accord sur le côté "il faut que cela reste l'association de deux groupes ponctuels". Peut-être aussi avec cette histoire de patronyme...

Laurent Holdrinet : L'origine du nom, Jerri, c'est vraiment l'émancipation par rapport à ce projet qui était sensé être une réunion et garder chacun son entité propre. Là, Jerri explose cette filiation, on s'est retrouvé quatre musiciens à créer un vrai groupe.

Quel est l'avenir de Jerri ? Une tournée ?

Mickaël Mottet : Oui, concerts, le 28 juillet au Nouveau Casino.

Anthony Goncalves : Ensuite, à la rentrée, entre octobre et novembre, il y a Reims, Vendôme, Feyzin.

Flavien Girard : On pense aussi au futur projet...

Mickaël Mottet : On sait qu'il y aura une suite, on compte continuer à composer. Il y a une chanson après laquelle on continue de courir. On ne la joue pas encore parce qu'elle n'est pas prête. Il y en a une autre que je voudrais soumettre au groupe. J'ai un peu les paroles en tête, je me la rechante régulièrement. Je pense qu'un jour ou l'autre, je la proposerai. Cela va sûrement se faire comme le reste, c'est-à-dire très naturellement. Petit à petit, on va commencer à composer d'autres choses. On ne va pas du tout être figé sur un truc comme pouvait l'être John Venture.

Il y a pas mal de personnes qui vous apprécient et qui ont été frustrés par John Venture qui s'arrêtait d'un coup.

Mickaël Mottet : C'était un peu une volonté de frustrer les gens, c'était dans le contrat de départ. On s'est dit : on fait ce truc là, c'est ponctuel, ça s'arrête, ça a un début et une fin, c'est nous qui décidons. C'est drôle parce que par exemple, Jérôme de Pocket Bastard qui a été interviewé par Froggy's Delight disait : "J'ai été assez déçu" – je ne sais plus exactement quel mot il utilise – "cela ne se fait pas". Il a vécu cela assez mal. C'est drôle de lire ça, en même temps je respecte, parce que c'est comme ça qu'il s'est approprié la chose. Mais nous, on a vraiment vu le projet comme quelque chose de déterminé. En cela, Jerri, c'est complètement ouvert sur l'avenir.

Et vos projets séparés, Angil et Deschanel ?

Anthony Goncalves : Côté Deschannel, il y a un album en préparation qui devrait, si tout se passe bien mais l'expérience nous indique de penser d'être beaucoup plus prudent concernant les dates de sortie sortir a priori début 2010.

Mickaël Mottet : On enregistre la musique et la plupart des voix du prochain Angil, cet été, sachant que c'est un album où il y aura des invités vocaux, nombreux.

Laurent Holdrinet : On peut en citer quelques uns ?

Mickaël Mottet : Eh bien justement Laëtitia Raymonde Howard qui est aussi sur Jerri, Françoiz Breut, Lætitia Sadier, Jim Putnam le chanteur des Radar Bros., Emma Pollock qui était la chanteuse des Delgados. Certaines de ces personnes vont être avec nous en studio pour enregistrer leur voix, d'autres évidemment on va leur envoyer les bandes et elles vont poser leur voix par dessus. La sortie sera courant 2010.

Comment l'album Jerri a-t-il été perçu par la presse ? On a vu souvent passer le terme "addiction" dans les chroniques.

Laurent Holdrinet : A priori, ce qui ressort dans les chroniques, c'est le besoin de plusieurs écoutes. Au fur et à mesure des écoutes, l'album s'apprécie apparemment. D'où "addiction".

Mickaël Mottet : Il y a eu de jolis articles. Mon grand espoir serait qu'il y en ait encore plus. On ne peut pas se plaindre : il y a eu de jolis articles dans Magic, dans les Inrocks, w-Fenec, dans Froggy... Je serai vraiment content de savoir ce qu'en pense le même panel de gens qui s'était intéressé à Angil, par exemple. C'est vraiment un truc que l'on a envie tous les quatre de défendre, dont on est très fier, j'aimerai bien que ça attire la même quantité de réactions.

Avec quel(s) mot(s) feriez-vous rimer Hadopi ?

Flavien Girard : Avec Ipodah ! (rires)

Anthony Goncalves : Je tiens à intervenir sur Ipodah. Il se trouve qu'en fait c'est une société off-shore qui est basée en Hollande, qui va prendre ses 5 euros par mois.

Flavien Girard : Merde ! J'étais super utopiste là-dessus.

Laurent Holdrinet : Utopie ! Hadopi, utopie ! Partagée par juste une classe politique...

Vous écoutez quoi en ce moment ? Même les trucs les plus honteux...

Laurent Holdrinet : Moi, j'écoute de la musique hawaïenne Danger Mouse & Sparklehorse.

Mickaël Mottet : Le prochain Raymonde Howard.

Anthony Goncalves : Moi c'est Morricone comme très souvent et le dernier Portishead, et deux-trois petits enfants de Boards of Canada. Il y en a un qui s'appelle Gabriel, il y a Saturday Index, des petits gens qui sortent des disques à 50 exemplaires. Limite Warp devrait arrêter de sortir des trucs genre !!! et qu'ils écoutent ces gens là.

Mickaël Mottet : Moi j'écoute vachement Emiliana Torrini, le Me And Armini.

Flavien Girard : Et Be My Weapon aussi, le gros projet de David Freel.

 

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