Spectacle
seul en scène écrit par François Rollin
et Jean-Jacques Vanier, interprété par Jean-Jacques
Vanier dans une mise en scène de François Rollin.
Pourquoi changer une équipe qui gagne ? François
Rollin, le professeur qui a toujours quelque chose à
dire et Jean-Jacques Vannier, et son personnage d'égaré
lunaire, qui jouent dans un même registre humoristique
se retrouvent pour une nouvelle entreprise d'écriture
à quatre mains avec le premier aux manettes et le second
au charbon sur scène.
Un spectacle qui commence, une fois encore, par une histoire
de pieds.
Certes Jean-Jacques Vannier n'est plus, comme dans "A
part ça la vie est belle", pieds nus en pyjama, mais
en complet veston et chaussettes, l'air penaud comme s'il rentrait
au bercail conjugal au petit matin après une nuit de
bamboche. Mais la scène est pavoisée d'une pluralité
de rideaux rouges au drapé savant et enluminé
et la pérégrination narrativo-métaphysique
qui suivra a pour point de départ un fait d'une banalité
exemplaire dépourvu a priori de tout intérêt
- l'achat de chaussures - qui va revêtir, après
moultes digressions qui ménagent le suspense, le caractère
d'un événement majeur qui contribuera à
enrichir
Cet événement est un poncif de la libido masculine
: la présence d'une vendeuse, une belle blonde au cheveux
longs et à forte poitrine, dont le décolleté
généreusement avantagé par un bouton défait
de son chemisier occasionne une bouffée libidinale et
fantasmatique qui se mue en questions métaphysiques lancinantes
(le bouton déboutonné est-il le fait du hasard
et quel est le fonctionnement de la femme face à ce bouton
qui avait tendance à s’échapper de sa boutonnière)
pour le sujet masculin en proie à une perpétuelle
quête philosophique.
Pour ce troisième opus commun, la thématique
annoncée par son titre même, "Elles",
n'est pas des moindres puisqu'il s'agit de la gente féminine.
Et cependant, au fil du spectacle, on se rend compte que les
deux compères parlent davantage des hommes et ne traitent
de cette dernière que comme sujet de préoccupation
des hommes dans le cadre d'une stratégie de séduction.
La morale de cette histoire, car il y en a une, relève
de l'analyse, par l'humour et par l'absurde, d'une problématique
qui ressortit au sujet de dissertation : faut-il connaître
autrui pour le séduire ?
Sur scène, Jean-Jacques Vannier maîtrise son personnage
récurrent d'anti-héros shadokien qui tourne longtemps
autour du pot, du jardinier et du jardin avant d'en arriver
au fait avec sa scansion atypique et son air de ne pas y toucher
mais qui finit toujours, tel un subtil raminagrobis, à
retomber sur ses pieds tout en menant le spectateur par le bout
du nez et du rire et la collaboration avec François Rollin
une fois encore concluante et rondement menée. |