Comédie dramatique de Kaj Munk, mise en scène
de Arthur Nauzyciel, avec Pierre Baux, Xavier Gallais, Benoit
Giros, Pascal Greggory, Frédéric Pierrot, Laure
Roldan de Montaud, Marc Toupence, Christine Vézinet,
Catherine Vuillez, Jean-Marie Winling et les chanteurs de l'Ensemble
Organum Mathilde Daudy, Antoine Sicot et Marcel Pérès
en alternance avec Frédéric Tavernier.
Présenté dans le cadre du Festival d'Avignon
2008, "Ordet" mis en scène par d' Arthur Nauzyciel
, directeur du Centre dramatique national d’Orléans,
drame mystique de Kaj Munk, poète
et dramaturge danois qui était également pasteur,
investit le Théâtre du Rond Point.
Une scénographie esthétisante signé Eric
Vignier, un élément de décor en forme de
sculpture contemporaine et, en toile de fond, une photographie
de paysage polaire à la Yann Arthus-Bertrand reproduite
en symétrique à la manière d'un test de
Rochart, ne sont pas le moindre des anachronismes pour cette
pièce qui entraîne le spectateur dans une plongée
apnéique dans un espace spatio-temporel terriblement
daté et oppressant, celui d'une communauté rigoriste
et archaïque au début du 20ème siècle
dans le Jutland danois.
Au risque d'encourir la critique d'être un peu réducteur,
ce drame paysan naturaliste pétri de références
bibliques, dont on retrouve des composantes dans toute la littérature,
le théâtre et le cinéma des pays du grand
Nord, tourne de manière circulaire et concentrique, à
la manière de la déambulation des comédiens,
autour de la foi, et donc de l'existence d'un dieu qui justifierait
tant les craintes que les espérances de l'homme, seule
créature terrestre qui a conscience de sa finitude -
et qui se démène pour trouver une bonne raison
de ne pas sombrer immédiatement - et un niveau supérieur
de conscience. Et ce, en multipliant les points de vue.
Celui des pasteurs, avec le pasteur pragmatique, le pasteur
dogmatique et le pasteur fonctionnarisé, celui des profanes
avec le scientisme incarné par le médecin et celui
du mystique illuminé, le nouveau prophète. Ces
gens, dans un microcosme étouffant dominé par
les hommes, les femmes étant réduites à
des fonctions bien déterminées, faire le café,
assurer la reproduction de l'espèce et être la
victime expiatoire de la guerre des chefs, qui sont montrés
dépourvus de toute vie organique autre que l'ingestion
du fameux café, dont l'ordinaire est rythmé par
les antagonismes théologiques qui broient les plus faibles,
les femmes et les "voyants" mais qui pourraient également
constituer le creuset d'une transfiguration et de la résurrection.
Caractérisé par la lenteur, lenteur dans le déroulement
de l'action, lenteur de l'élocution et des déplacements,
le jeu époustouflant des acteurs, Pascal
Greggory, Jean-Claude Winling,
Catherine Vuillez, Xavier
Gallais, Frédéric Pierrot,
Benoît Giros et Pierre
Baux, qui constituent la pierre angulaire du vivant,
justifie à lui seul d'aller voir ce spectacle d'une grande
réussite formelle, parfois éprouvant et manifestement
exigeant. |