Comédie
dramatique de Lancelot Hamelin, mise en scène de Mathieu
Bauer, avec Marc Berman, Judith Henry, Matthias Girbig et Pauline
Sikirdji et les msuiciens Matthias Bauer, Sylvain Cartigny,
Arthur Simon, Stan Bruno Valette et Mara Dobresco.
Pour l'ouverture de sa saison 2009-2010, le Nouveau Théâtre
de Montreuil a choisi de programmer "Tristan et…",
spectacle conçu par, Lancelot Hamelin, pour l'écriture,
et Matthias Bauer, fondateur et directeur de la Compagnie Sentimental
Bourreau, pour la mise en scène et la partition musicale.
Pour évoquer ce spectacle, qui constitue une libre variation
de l'opéra "Tristan et Isolde" de Richard Wagner,
se référer aux notes d'intention des deux co-maîtres
d'œuvre s'avère utilement éclairant s'agissant
d'un spectacle qui s'inscrit dans le registre du spectacle total
qui, par ailleurs, entend s'affranchir des codes classiques
tant de la dramaturgie théâtrale que de l'opéra.
Lancelot Hamelin inverse le processus narratif qui n'est plus
dans la représentation de la réalité mais
dans la convocation mnésique, et parfois onirique, d'un
passé fragmenté. C'est Tristan aux portes de la
mort qui interroge ce qui fût, pour un impossible "éternel
retour", et convoque les protagonistes du drame. Dès
lors s'opère une diffraction des héros de ce drame
légendaire, qui s'appuie sur des thèmes duels
l'amour-la mort, la pulsion désirante-la transgression,
qui interviennent selon un mode distancié en deux couples
en parallèle mais désynchrones qui confrontent
la même histoire à la tragédie et au lyrisme.
Pour Matthieu Bauer, l'intention est claire : "se servir
de l'œuvre de Wagner comme matière première
pour extraire du mythe aussi bien son harmonie que son histoire
et sa résonance actuelle" dont la contemporanéité
est assurée par le métissage musical des acteurs
de Sentimental Bourreau qui navigue entre le rock à la
Noir Désir et la chanson de variété italienne
des années 80 et qui, en l'espèce, se cale sur
les pulsations du cœur bien évidemment.
Dans la scénographie de Jean-Marc Skatchko, une antre,
une grotte, métaphore des tréfonds de l'âme
et/ou les ténèbres de la mort, la nuit dans laquelle
la lumière ne fait que pointer, avec une paroi rocheuse
en fond de scène, sur laquelle se projettera les larmes
du drame, et une île miniature, symbole de l'insularité
celte, il a recours à différents modes narratifs,
procédé que l'on retrouve dans le travail des
metteurs en scène de générations différentes,
de Yann-Joël Collin à Vincent Macaire, qui usent
autant de la parole sonorisées, par micro HF, micro sur
pied voire mégaphone, du chant que de la vidéo.
Citant Isolde, Mathieu Bauer souhaite que le spectacle puisse
"nous noyer, nous engloutir, perdre conscience volupté
suprême" Pour ceux qui se laissent prendre au jeu,
en quelque sorte, ce but est atteint par l'atmosphère
fascinante qui se dégage du plateau sur lequel les intervenants
revêtent un caractère d'apparitions incertaines
par la corporéité et puissantes par la parole.
Et la réussite tient pour beaucoup au jeu des comédiens
Marc Berman, en Tristan mélancolique et indécis,
et Judith Henry, superbe Isolde, mais également de leur
double musical Matthias Girbig, le narrateur chanteur, et l'Isolde
lyrique à laquelle Pauline Sikirdji, mezzo soprano, prête
une voix légère et très juste. |