Comédie
philosophique d'après Gotthold Ephraïm Lessing,
mise en scène de Laurent Hatat, avec Azeddine Benamara,
Manuel Bertrand, Mounya Boudiaf, Olivier Brabant, Sarah Capony,
Alexandre Carrière, Daniel Delabesse, Céline Langlois,
Damien Olivier et Bruno Tuchszer.
Voilà une reprise qui exclut toute circonstance atténuante
à ceux qui n'auront pas vu le très beau moment
de théâtre que propose et réussit Laurent
Hatat avec "Nathan le sage",
un texte éblouissant d'intelligence et d'humanisme dont
rien ne laisse deviner, si ce n'est pour les spectateurs à
l'érudition encyclopédique, que son auteur Gotthold
Ephraïm Lessing est un écrivain et un dramaturge
du 18ème siècle et illustre, une fois encore,
"l'éternelle modernité des classiques".
Concoctée par un libre penseur du fameux Siècles
des Lumières, l'intrigue, qui revêt le caractère
d'une parabole biblique et l'opus dramatique, qui se double
d'un conte philosophique et, aujourd'hui, d'une pièce
civique, se déroule au temps des Croisades, à
Jérusalem, ville ô combien symbolique, et met en
présence trois protagonistes qui, à l"instar
des fils d'Abraham, personnifient les trois grandes religions
monothéistes pour un débat philosophico-religieux
passionnant.
La pertinence de cet hymne à la tolérance et
à l'altérité, écrit dans une langue
d'une grande limpidité, coloré d'une romance amoureuse
au dénouement inattendu qui constitue le nœud de
la contradiction dramaturgique, résonne encore aujourd'hui
dans les consciences et s'élève comme la voix
de la sagesse qui, prônant, en outre, la séparation
du religieux et du politique, en appelle aux hommes de bonne
volonté pour privilégier la fraternité
et le respect de l'autre pour vivre ensemble en bon entendement.
En adéquation avec la contextualisation opérée
par Laurent Hatat, la scénographie conçue par
Antonin Bouvret, dépouillée, presque austère,
sans concession au pittoresque ou à l'historicisme avec
une structure très simple, brechtienne, et, au premier
abord, relativement froide qui rappelle le théâtre
distancié des années 70.
En fait, elle se révèle d'une efficacité,
d'un dynamisme et d'un esthétisme absolus avec son plateau
modulable, ses cimaises mobiles, les projections notamment calligraphiques
qui ancrent les différents lieux scéniques et
de spectaculaires, au bon sens du terme, rideaux de sable, symboles
du temps qui passe.
La mise en scène au cordeau de Laurent Hatat s'appuie
sur une interprétation de qualité, menée
par le trio central, Daniel Delabesse, excellent Nathan, brave
commerçant juif et homme bon réputé pour
sa sagesse, Azedine Benamara, superbe sultan "éclairé"
et Olivier Brabant, parfaitement antipathique en chef préoccupé
du pouvoir temporel d'une Eglise encore enfumée par les
bûchers de l'Inquisition, les comédiens réalisant
tous et chacun une belle prestation. |