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puce Sophie Hunger - Sandra Nkaké
Grand Mix  (Tourcoing)  samedi 17 otobre 2009

On a passé tant d’heures à écouter Monday’s Ghost , le premier album et déjà chef-d’œuvre de la suisse Sophie Hunger, qu’il nous fallait vérifier, sur scène, si la grâce subsiste ; et si la maturité de la chanteuse, et son  affranchissement à l’endroit des groupes "folk" actuels se confirme. L’enjeu était fort : un disque d’une telle densité, inépuisable, si peu encombré d’influences, peut-il se traduire en concert selon la même intensité, la même précision, la même limpidité ?

Si l’on excepte un final décevant, que j’évoquerai plus loin, on peut parler de réussite, procédant de l’élégance de la musique, enrichie par le jeu d’un tromboniste de talent, Michaël Flury. La sensibilité de la chanteuse, son extra-lucidité – c’est-à-dire sa capacité à être à l’écoute de ses partenaires, et de fonder sa prestation sur cette seule écoute – lui ont permis d’exprimer son caractère indépendant, et son détachement vis-à-vis du folk traditionnel.

C’est bien en-dehors des frontières de la pop qu’elle se place, à mi-chemin entre le jazz et la soul ; entre  le rock acoustique et le blues. Le Jazz Festival de Tourcoing représente une occasion d’effacer les étiquettes que la presse a l’habitude d’établir sur sa musique. Parce que si celle-ci est marquée par le jazz, elle est dans un même temps physiquement différente du jazz.

 Il y a assurément du génie dans ces compositions, celui d’un Tim Buckley, présent dans les titres lyriques et dépouillés que sont "House of Gods" ou "The Boat is Full" ; et celui d’un Jeff Buckley, guide majeur revendiqué par la chanteuse perceptible dans les merveilles que sont "Shape" et "Round and Round". La voix rayonne, vibre, devient tour à tour émouvante et insaisissable, grave et légère. Cette jeune fille de vingt-six ans en impose sans forcer : on prend rapidement conscience de l’évidence de cette  musique sans culpabilités, forte, débarrassée des tristesses systématiques (qui trop souvent masquent un manque d’inspiration), et de la liberté avec laquelle elle s’approprie le rythme, donc le silence (sa contrepartie).

Une liberté aussi de langue, puisque l’allemand est utilisé à plusieurs reprises pour apporter aux chansons une dimension incantatoire, chargée en affects, moins lisse. Et lorsque le piano se mêle à cette puissance de feu, dans des titres comme "Waltzer fur Niemand" ou "Rise and Fall", c’est la jubilation qui parcourt la salle d’une onde électrique −  la jubilation et la jouissance.

Considérons maintenant le jeu des reprises, auxquelles se livre tout groupe désireux de rendre hommage aux maîtres de leur jeunesse. "Don't forget the songs that made you cry, and the songs that saved your life", chantait Morrissey. Nous ne saurions ainsi reprocher à Sophie Hunger d’avoir tenté cet exercice de style. D’autant que le choix d’une chanson à reprendre apporte une information supplémentaire sur l’inconscient qui travaille le groupe ; sur sa formation sensorielle, affective, intellectuelle ; et implique également un défi concernant l’interprétation.

Pas question de rejouer note par note une matière qui ne demande qu’à être modifiée, déplacée, voire renversée. Aucune reprise n’est anodine : elle engage le groupe ; le mets à l’épreuve. "Le vent nous portera" de Noir désir constitue la première reprise. Titre assez classique, mais le moins intéressant du groupe français, d’autant que Sophie Hunger ne fait rien de plus que l’original, chantant sans conviction, d’une manière neutre, presque inutilement. Le titre  n’étant pas pour autant désagréable, on laisse passer.

Deuxième reprise, qui conclut (lâchement) le concert : "Like a Rolling Stone" de Bob Dylan , harmonica et inflexions vocales à l’appui : une reprise ratée, qui vient gâcher le concert, voire la soirée (pour certains). On eût préféré un Dylan interprété par Sophie Hunger, selon son style, sa modalité, et non imité à la façon rock-FM. Un peu plus et on tombait dans le "rock à moustaches". Terminer le concert sur un tel procédé paraît décourageant : quitte à rendre hommage à Dylan, "Birth-Day" aurait suffi – le morceau le plus dylanien et peut-être aussi le plus beau de l’album Monday’s Ghost.

 

 

Sandra Nkaké a proposé, en première partie, un jazz teinté de soul et de funk. Musique de variété plutôt divertissante, alliant générosité et sensualité, évoquant avec simplicité les thèmes de l’amour, de la rencontre, du partage. La chanteuse-performeuse franco-camerounaise parvient à dépasser un accompagnement instrumental un peu lourd, qui n’est pas à la mesure de son talent : elle mérite mieux, ou plutôt disons que le contraste entre l’instrumentation et sa voix est trop important pour qu’elle ne songe, plus tard, à alléger ou  modifier qualitativement la formation.

Oserait-on imaginer Nina Simone accompagnée par un groupe de variété-FM ? Toute proportion gardée il s’agit bien ici du même problème. Tout ce qui procède de la variété et du spectacle grand-public est lourd par définition. Sans la chanteuse, les instruments composeraient une musique grossière, voire obscène. Mais Sandra Nkaké ne semble se préoccuper de ces considérations. Sa présence est suffisamment forte, sa voix suffisamment enveloppante, pour qu’on oublie rapidement les imperfections du groupe.

Le théâtre et la danse servent d’appui à sa prestation. Une telle générosité ne se refuse pas. La musique n’est-elle pas un moyen, pour elle, d’exprimer ses désirs, et d’évacuer les fragilités quotidiennes ? En s’orientant selon Mansaadi, son premier album, elle  parvient dès lors à parler de sa mère, "partie trop tôt alors qu’elle (Sandra) n’était pas prête" selon ses mots. D’où l’émotion qu’elle suscite dans la salle, jusqu’à sa reprise – réussie… − de "La mauvaise réputation" de Brassens.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique de l'album Tangerine Moon Wishes de Sandra Nkaké
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La chronique de l'album 1983 de Sophie Hunger
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Sophie Hunger en concert au Festival GéNéRiQ 2008 (6 mars 2008)
Sophie Hunger en concert à Paléo Festival #34 (2009)
Sophie Hunger en concert à L'Aéronef (1er juin 2010)
Sophie Hunger en concert au Festival Fnac Live #3 (édition 2013) - Dimanche

En savoir plus :
Le Myspace de Sophie Hunger
Le site officiel de Sandra Nkaké

Crédits photos : Cédric Chort (Toute la série sur Taste of Indie)


David Falkowicz         
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# 19 mars 2023 : Motion de culture

Tout fout le camp en ce moment. En attendant des jours meilleurs, accrochons nous et noyons notre chagrin dans la culture !Cc'est parti pour le sommaire de la semaine en commençant par le replay de la 63eme Mare Aux Grenouilles.

Du côté de la musique :

"Your mother should know, Brad Mehldau plays the Beatles" de Brad Mehldau
"Soul tropical" de David Walters
"Embers" de Embers
"Le courage" de Julie Rey et Adrien Desse
"Nuit blanche" de Anodine
"Désequilibre" de Bilbao Kung Fu
"Elements" de Foehn
"La Sagrada" de Natalia Doco
"Red cloud" de Red Cloud
"Isla" de Simon Moullier
et toujours :
"Sound of Eymet" de Adrien Chicot
"O futuro é mais bonito" de Anna Setton
"Vertigo" de Bipolar Club
"W.A. Mozart : The prussian quartets" de Chiaroscuro Quartet
"Principia" de En Attendant Ana
"Charivari" de Marcel
"111" de One Shot
"A very big lunh" de Papanosh
"Brothers & Sisters" de Steve Mason
"Screamers" de Treponem Pal

Au théâtre :

les nouveautés de la semaine :
"Dans la solitude des champs de coton" à l'Espace Cardin
"House" au Théâtre de la Colline
"Oeuvrer son cri" au Théâtre de la Cité Internationale
"Le silence et la peur" au Théâtre de la Colline
"Tom na Fazenda" au Théâtre Paris-Villette
"Petites histoires de la démesure" au Théâtre Les Déchargeurs
"Apocalipsync" au Théâtre du Rond- Point
"Weber à vif" à La Scala
"HPNS" au Théâtre La Reine Blanche
"Marée haute" au Théâtre Le Lucernaire
"Rémi Larrousse - Confidences d'un illusionniste" au Théâtre Le Lucernaire
"Opération Kortex" à La Folie Théâtre
"Patricia Lelouebec - Sauver le monde" au Théâtre Les Déchargeurs
"La Langue des Cygnes au Théâtre 71 à Malakoff
les reprises :
"Nagasaki" au 100ECS
"Maupassant, Octave et moi" au Théâtre de Poche-Montparnasse
"Maya, une voix" au Lavoir Moderne Parisien
"Al Atlal, chant pour ma mère" au Théâtre 14
et une sélection des autres spectacles à l'affiche

Expositions :

"Giovanni Bellini - Influences croisées" au Musée Jacquemart-André
dernière ligne droite pour :
"Capitales" à l'Hôtel de Ville de Paris
"Yves Klein intime" à l'Hôtel de Caumont
et les autres expositions à l'affiche

Lecture avec :

"Les nageurs de la nuit" de Tomasz Jedrowski
"Les grands ministres de Habsbourg" de Jean Paul Bled
"Le petit roi" de Mathieu Belezi
"Il ne doit jamais rien m'arriver" de Mathieu Persan
et toujours :
"Un paradis en enfer" de Rebecca Soinit
Rencontre avec Taous Merakchi & Da Coffee Time
"Coven" de Taous Merakchi & Da Coffee Time
"Les autres gens ne sont pas des gens comme nous" de J.M. Erre
"Le passager" de Cormac McCarthy
"La guerre sainte de Poutine" de Sébastien Boussois & Noé Morin

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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