L'Opéra Garnier présentait les pièces de
trois chorégraphes contemporains. La cohérence
de ce programme venait d'un thème commun, le rapport
au temps, abordé sous des angles et avec trois sensibilités
différentes.
"Amoveo", chorégraphie de Benjamin Millepied
su rune musique de Philip Glass.
Danseur et chorégraphe bordelais, soliste au New York
City Ballet, Benjamin Millepied ouvre cette soirée avec
une pièce dynamique et colorée. Les danseurs,
dans des costumes de couleurs très vives et très
gaies, composés d'un bas d'une couleur (bleu, rouge,
jaune ou vert) et d'un haut d'une couleur différente.
A ce schéma répond, en vidéo sur un écran
à l'arrière de la scène, des évolutions
de tracés rectilignes se coupant à angle droit,
qui crée un tissage avec ces mêmes couleurs. Sur
la musique répétitive de Philip Glass, "Einstein
On The Beach", aux histoires d'amour qui se nouent et se
dénouent entre les danseurs répondent en écho
les tracés en arrière-plan.
Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche sont parfaits. Cependant,
ce spectacle est au final tout aussi esthétique qu'inoffensif.
Il s'en dégage une impression de design vivant.
"Répliques",
chorégraphie de Nicolas Paul sur une musique de György
Ligeti
Pièce mélancolique créée par le
danseur maison, Nicolas Paul, "Répliques" était
la curiosité de la soirée.
La scénographie mise en place par l'architecte Paul
Andreu sert avec une grande finesse les effets de miroirs développés
dans cette chorégraphie. Des groupes de danseurs se répondent,
de l'avant de la scène à l'arrière-plan,
séparés par des rideaux de tulles peints qui tombent
devant les danseurs au fur et à mesure que la pièce
se déroule.
Aux effets de miroirs succèdent des mouvements similaires
exécutées par les différents duos, mais
soit avec un contre-temps, soit avec quelques modifications.
Les danseurs les plus en retrait, apparaissent de plus en plus
estompés dans les lumières de Madjid Hakimiet
derrière les épaisseurs de tulles. Le temps passe,
le souvenir s'estompe ou se déforme.
La musique de György Ligeti, semble avoir inspiré
le chorégraphe car elle a été écrite
par le compositeur hongrois à trois époques de
sa vie d'artiste, une œuvre de jeunesse, une œuvre
de maturité et enfin une œuvre de fin de vie.
Le résultat est troublant et invite à l'introspection.
Il ne faut pas oublier de préciser, encore une fois,
que la technique des danseurs, tout comme la sensibilité
qui se dégage de leurs mouvements, sont impressionnantes.
Nicolas Paul viendra saluer le public à la fin de la
représentation et sera chaleureusement applaudi.
"Génus", chrorégraphie de Wayne McGregor
su rune musique de Joby Talbot et Deru
La pièce du britannique Wayne McGregor traite de l'évolution
des espèces à partir des travaux de Charles Darwin.
Dans des justaucorps gris courts décorés de dessins
bleutés sur le torse et sur le dos, les danseurs se lancent
dans des mouvements d'ensemble, vifs parfois sans rapports les
uns avec les autres, donnant jusqu'à une impression de
confusion. Au-dessus de la scène, dans la première
partie de cette pièce, est projeté en accéléré
le plan fixe d'un paysage de désert sur la période
d'une journée.
La musique de Joby Talbot et Redu répond au rythme des
passages de nuages sur la vidéo et à la luminosité
changeante. Les corps des danseurs suivent ces rythmes de la
nature. En arrière-plan, une paroi sombre et brillante
reflète les ombres des danseurs, voire les ombres de
leurs ombres. La mise en abîme qui résulte de cet
effet, obtenu par la scénographie de Vicki Mortimer,
est éblouissant.
Dans un deuxième temps, un décor constitué
d'une caisse de bois descend sur la scène. Le parallélépipède
est légèrement penché. Après les
grands espaces du désert, Wayne McGregor s'intéresse
à l'évolution du corps dans un espace confiné,
avant qu'une vidéo montrant des insectes et décortiquant
les mouvements de divers animaux ne soit diffusé. Bien
que la seconde partie de cette pièce, plus sombre, avec
ses lumières blanches sur des corps blafards semble offrir
peu d'avenir à l'espèce humaine, il se dégage
néanmoins une grande de beauté de l'ensemble. |