Après avoir annulé son concert parisien en juin dernier, Soap and Skin choisit la petite et chaleureuse salle de l'Européen pour se produire. Deux soirs de suite (les 2 et 3 novembre derniers), elle envoûte le public de sa folk noire et bouleversante.
Très bon choix que Scott Matthew en première partie. Cet australien exilé à New-York donne le ton. Sorte de géant hirsute et sensible, il nous plonge doucement dans un univers plein de poésie et de mélancolie.
Seul, parfois accompagné de son amie Sia aux choeurs, il alterne ukulélé et guitare sèche. Tout dans la finesse et la grâce. Sa voix rappelle celle d'Antony (and the Johnsons). Androgyne, à la fois sombre et lumineuse, mais toujours suave.
On comprend mieux les quelques fausses notes quand il accorde sa guitare après deux morceaux. "I never claimed to be a professional", ironise-t-il.
Car ce qui compte et ce qui fait sa force, c'est surtout cette voix, ce timbre envoûtant. Les mélodies sont simples, les accords répétitifs bien que jamais ennuyeux.
Un vrai coup de coeur dont on ne saurait que recommander le deuxième album, There Is An Ocean That Divides And With My Longing I Can Charge It With A Voltage Thats So Violent To Cross It Could Mean Death (!!).
Elle tarde à entrer sur scène. Ceux qui la suivent la savent timide. Ecorchée vive. Elle semble repousser le moment où elle devra nous affronter. On est pourtant conquis (les deux soirs affichent complet).
Elle se cale devant son piano, nous regarde à peine, sussure quelques timides merci. Mais pour ce qui est de l'interactivité, ce sera tout. On ne lui en veut pas tant sa prestation est poignante. L'éclairage blanc, crû, presque monocal, vient appuyer le propos de la jeune autrichienne. Elle est seule et pourtant emplit la salle de son aura inquiétante et paradoxalement, attendrissante. On a du mal à croire qu'elle n'a que 19 ans.
Telle une chef d'orchestre, un ordinateur posé devant elle, elle se fait accompagner de violons virtuels et martèle sur son clavier. Sa relation avec son piano est passionnée, tantôt tendre (ses gestes se font caressants), tantôt violente (ses doigts se transforment alors en griffes). Son chant alterne entre râles déchirants et murmures légers et enfantins. Elle joue l'intégralité de l'album (le magnifique Lovetune for Vacuum) et quelques inédits, même le sibyllin "DDMMYYYY", morceau intégralement instrumental, mélange obscur de sons et de bafouillements électroniques.
Elle semblait moins théâtrale que l'image qu'elle véhicule, jusqu'au moment où se transforme en zombie. Telle une poupée de chiffon, envoûtée (on se croirait dans L'Exorciste), elle quitte la scène plongée dans le noir et vient déambuler dans la salle.
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle provoque des émotions. On hésite alors à crier sur les toits combien son talent mérite d'être connu et garder le secret, rien que pour nous... |