Vic Chesnutt poursuit sa fructueuse collaboration avec le label Constellation, entamée de jolie façon il y a deux ans avec le sublime North Star Deserter qui marquait une étape dans sa carrière prolifique.
Il revient donc avec la même équipe de musiciens efficaces, qui n’ont pas leurs pareils pour enrober, dans l’ombre, ses splendides compositions.
Le magnifique "Coward" se charge de donner le ton et d’ouvrir les festivités (façon de parler, que les fidèles se rassurent, on reste dans un registre sombre et mélancolique où la mort n’est jamais bien loin). Plongée immédiate dans le grand Ouest… la voix est grave, l’atmosphère lourde, l’orage gronde, quelques cordes discrètes accompagnent une montée en puissance avant l’explosion à mi-chemin. Les violons soudain se déchaînent (il pleut des cordes) et l’électricité jusque là latente se matérialise dans des rugissements de guitares déchaînées. Quelle entrée en matière ! La couardise est plus qu’assumée, elle est revendiquée haut et fort.
La tension retombe d’un coup sur "When the bottom fell out", complainte dépouillée qui fleure bon les marrons chauds et la veillée hivernale près de la cheminée (on croirait d’ailleurs entendre son chien fidèle aboyer).
Le disque se poursuit tout en rondeur avec la contrebasse de "Chinaberry tree", un des sommets de l’album, dont la construction et le jeu vocal ne sont pas sans évoquer le Frank Black apaisé de ces dernières années.
Les morceaux suivants ("Chain", "We hovered with short wings") présentent des arrangements plus jazzy mettant en avant la voix de Chesnutt, qui n’hésite pas à visiter allègrement les aigus.
"Philip Guston", dédié au peintre New-Yorkais, rebranche le courant pour un morceau incisif et lancinant que n’aurait pas renié PJ Harvey.
La fin du disque est beaucoup plus calme et personnelle, que ce soit avec l’émouvant "Flirted with you all my life" dialogue très direct avec une mort qu’il a souvent frôlé de près, ou sur l’acoustique "Granny", dédié à sa grand-mère. Ces deux morceaux pour nous rappeler que sous des arrangements et une interprétation magnifiques, Vic Chesnutt reste aussi un grand songwriter, capable d’écrire des textes bouleversants.
Cet At the Cut plein d’émotions est définitivement un grand crû, qui continue de placer l’année 2009 sous la louable bannière d’un Folk classieux et stylé. |