Comédie
dramatique de Howard Barker, mise en scène de Guillaume
Dujardin, avec Léopoldine Hummel et Odile Cohen.
L'année 2009 semble être l'année Barker.
Avec un cycle Barker au Théâtre National de l'Odéon
et "Loth et son dieu" créé au Théâtre
l'Atalante, les textes du dramaturge anglais Howard Barker,
qui revisite les grands mythes fondateurs de l'humanité
et la forme tragique à l'aune de ce qu'il nomme un "théâtre
de la catastrophe", investissent notamment les scènes
parisiennes.
Dernier en date, à l'Atalante, Guillaume
Dujardin metteur en scène établi en Franche
Comté qui n'en est pas à son coup d'essai avec
cet auteur, monte un de ses textes récents "Deep
Wives/Shallow Animals" sous le titre français
de "Graves épouses/Animaux
frivoles" dans une traduction de Pascal
Collin qui constitue une nouvelle pierre apportée
à l'édification d'une singulière métaphysique
du sexe et du désir.
Dans un monde dévasté sous l'effet d'un changement
indéfini, mais semble-t-il radical, une comtesse apparemment
déchue est mise en demeure par sa servante de se soumettre
au désir de viol de son mari qui était également
à son service comme valet. Voilà pour la partie
émergée d'une intrigue en huis clos qui, telle
un iceberg, dérive à la surface de l'océan
mental des officiantes.
Howard Barker qui se défend de faire un théâtre
politique aborde néanmoins le politique par cette revisitation
des rapports de pouvoir dans les relations maitre-valet tels
qu'ils étaient déjà abordés dans
le théâtre classique et qui passent ici par la
possession du corps. Il aborde également l'érotisme
sadien et son interdépendance avec une société
réglementaire et hiérarchisée selon l'analyse
de Michel Foucault.
Par ailleurs, dans cet opus, où se situe la réalité
? Ne se trouve-t-on pas face à une cérémonie
rituelle à la manière de Jean Genet dans "Les
bonnes" ou plus prosaïquement dans un jeu de rôles
cathartiques autour d'un scénario érotique mortel
?
Par ailleurs, dans cet opus, où se situe la réalité
? Ne se trouve-t-on pas face à une cérémonie
rituelle à la manière de Jean Genet dans "Les
bonnes" ou plus prosaïquement dans un jeu de rôles
cathartiques autour d'un scénario érotique mortel
? Le chien mécanique, trop évident émissaire
du désir d'un homme invisible, n'est-il pas davantage
une chienne, le symétrique de l'oiseau automate du "Casanova"
de Fellini symbole de l'accomplissement sexuel masculin ? Howard
Barker ne s'attaque-t-il pas au mythe du sexe ?
Rien ne relève de l'évidence dans l'écriture
de Howard Barker. Les indications de Pauline
Thimonnier, qui a assuré la dramaturgie, relatives
à un monde dévasté sur lequel ne resterait
que deux esclaves du désir, laissent ouverts les champs
d'interprétation de même que la scénographie
de Alban Ho Van et la mise en scène
au cordeau de Guillaume Dujardin.
Sur scène, par leur jeu distancié, les deux comédiennes
époustouflantes, la brune en haillons (Odile
Cohen) et la blonde en uniforme de quaker (Léopoldine
Hammel) assurent de manière époustouflante
des partitions pour le moins ambigues, tragiques et fascinantes,
qui, passant par la violence de la parole, exigent de leur part
une maîtrise absolue.
Une très belle réussite à voir absolument. |