Dans la pléthore des groupes génétiquement modifiés (entendre "un bras de chanteur connu, une jambe de batteur rescapé, etc."), Soulsavers revient sur la pointe des pieds chaussés boots. Ne pas se fier à l'apparente discrétion du projet modeste, Broken, leur deuxième album est bien au-dessus du voisin rock patchwork (The Crooked Vultures avec Josh Homme, Dave Grohl et John Paul Jones de Led Zep), oeuvre d'un savant fou perdu entre gangbang mélodique et partouze à bagouze.
Avouons-le, la mode des supergroupes initiée voilà deux ans a plutôt de quoi faire rire. Deadweather, Monsters of folk, The Raconteurs, tous finiront sur Google junk, l'application poubelle des projets éphémères sans corde sensible. Soulsavers, pour le brin de mellow, la finesse des envolées, le juste milieu entre effet de manche et passion, échappe au sacrifice. Plus poussé que le dernier effort (It's Not How Far You Fall, It's the Way You Land, déja avec Lanegan au chant), peut-être aussi plus "irlandais" pour l'ambiance "j'ai le mal du pays, je pleure en chanson et dans ma bière", Broken s'écoute comme le versant rock de l'expérimentation tentée quelques années plus tôt par Unkle : un groupe solide, des invités de marque, une renaissance à chaque album.
En vrac, on retrouve Mike Patton ("hey les mecs, j'ai porté des bières !") en invité sur le sublime "Unbalanced Pieces", lente fuite électrique hypnotisante, Jason Pierce ("Oui, je sais faire autre chose que Spiritualized !") sur "Pharaoh's chariot" ou Richard Hawley sur "Shadows fall", ballade pour ceux qui prendront le train. Composé en majorité d'hymnes mid-tempos, ce troisième disque fait de briques et de brocs tient largement le pavé, accroche au bitume ; sans nostalgie on écrira que c'est une production à l'ancienne comme on n'en verra plus dans dix ans, une roulotte à tête de morts portée à bout de bras par Mark Lanegan, égal à lui-même, rauque et roll, puissant mais fin, l'exact contraire d'un Jack White, n'en déplaise aux puristes.
Sans être l'album du siècle (parfois un peu trop sirupeux avec ses instrumentaux de générique de film), Broken casse la monotonie des side-projects sans lendemain. Restent quelques compositions racées et nerveuses (ce qu'on aime le plus chez Soulsavers, finalement) de la trempe de "Death bells" (avec Gibby Haynes des Butthole Surfers) ou "You will miss me when I burn", ballade au piano à faire chialer tout l'Oregon sur les soldats partis trop tôt à la guerre. La conclusion ? Se méfier des vieux bucherons, mind the gap, les OVNIS sont parfois plus humains que leurs détracteurs. |