Dans
le cadre de ses "Petites Conférences" destinées
de manière privilégiée au jeune public,
le Nouveau Théâtre de Montreuil reçoit Giuseppe
Penone, sculpteur italien contemporain considéré
comme un des représentants majeurs de l'Arte Povera.
Celui-ci avait répondu à une invitation d'une
de ses plus fidèles admiratrices, Gilberte Tsai, la directrice
dudit théâtre, qui le conviait à faire découvrir
sa passion pour la sculpture dans le cadre d'une conférence
intitulée "Sculpter"
suivie d'un débat.
Giuseppe Penone s'est donc plié à l'exercice,
tout en s'excusant de son français imparfait qui est
cependant loin d'être rudimentaire puisqu'il ne nécessite
pas la présence d'un traducteur.
A la docte méthode globale de présentation universitaire,
il a privilégié une approche conceptuelle visant,
à partir des photos de quelques unes de ses réalisations
qu'il estime représentatives des différentes forces
de son travail depuis près de quarante ans, visant à
la compréhension de son approche intellectuelle et sensitive
non seulement de la sculpture mais également de sa perception
du monde en tant que sujet métaphysique d'inspiration.
En utilisant des mots simples et un discours tout à
fait accessible même pour les enfants, il précise
que son travail orienté dès ses débuts
sur les quatre éléments, l'eau, la terre, le souffle
et le feu par la sculpture en bronze et les deux divisions de
la nature que sont le végétal et le minéral,
procède d'un émerveillement par rapport à
la réalité de la nature et de la matière
qui nous accompagne dans toute notre vie.
Il précise que son choix de la discipline de la sculpture,
terme qui ressortit d'une convention terminologique ainsi qu'il
l'illustre en disant que la peinture qui consiste également
en un travail de la matière en deux dimensions pourrait
tout aussi bien être qualifiée de sculpture mais
de sculpture en deux dimensions, résulte de sa détermination
à conserver la prédominance du sens du toucher
qui est le sens fondamental de la connaissance et de la compréhension
de ce qui nous entoure, que pratique l'homme à sa naissance
et qui régresse ensuite sous la pression du sens de la
vue qui, le rappelle-t-il, donne simplement une représentation
du monde qui souvent résulte, là aussi, d'une
convention.
Par ailleurs, l'utilisation des éléments de la
nature concourt également à penser différemment
la sculpture et ouvre un champ immense de liberté par
rapport à la sculpture dite académique. Dès
lors, on a compris qu'il s'inscrit dans la génération
des artistes qui ont changé les conventions de la sculpture
Depuis son premier axe de travail sur l'empreinte, comme matrice
et comme trace, avec la matière fluide et évolutive
qu'est celle de l'arbre et la croissance du végétal
("L’arbre continuera à croître, sauf
en ce point" de 1973 avec la main en acier enserrant un
jeune tronc, la capacité des pommes de terre et des courges
à modifier leur forme en fonction du moule dans lequel
elles sont enserrées "Patate" 1977 et "Zucche"
1978-1979), tout son parcours tend à la réflexion
sur l'identité des principes fondateurs qui régissent
les trois composantes du monde, animal, végétal,
minéral. Ainsi met-il en évidence les similitudes
entre la structure du corps humain et les éléments
naturels, les ramifications du squelette et celle de l'arbre
("Branche morte et fontaine" situé dans le
jardin de la Fondation Cartier) ou du fleuve, la circulation
sanguine et le réseau des veines du marbre (série
Anatomies des années 90).
Une partie de son travail concerne le temps et la mémoire
avec notamment le "Cèdre de Versailles" datant
du début des années 2000 aujourd'hui au Musée
de Toronto dont le tronc évidé révèle
la forme de l'arbrisseau que fût l'arbre à la manière
de l'enfant que porte toujours en lui l'homme.
Sa réflexion sur la vie et l'action de l'homme traduit
une vision animiste du monde et sa recherche de rendre visible
l'invisible comme le langage des arbres, avec l'écriture
souterraine de "L'arbre aux voyelles" en 1999 qui
figure au Jardin des Tuileries dont les racines dessinent les
voyelles qui forment le nom de Dieu) ou le souffle comme élément
vital avec la lumière pour produire la vie ("Souffle
de feuilles" 2003), une quête des traces du sacré.
Une rencontre qui s'avère donc passionnante d'autant
que Giuseppe Penone récuse son affiliation à l'Arte
Povera dont il précise qu'il ne s'agit pas d'un mouvement
artistique délibéré, structuré et
homogène mais d'une terminologie inventée par
un critique d'art, en l'espèce Germano Celant, comme
souvent dans l'histoire de l'art et que les artistes ainsi étiquettés
n'ont guère en commun que d'utiliser des matériaux
non traditionnellement usités. |