Il
a 14 ans, il est plutôt bon élève, il a
l'air d'un gentil garçon blond avec une belle figure
à qui on donnerait le bon Dieu sans confession, il vit
dans une famille modeste sans histoire, une famille ordinaire.
Mais peut-être qu'aucune famille n'est ordinaire et que
cette "Gueule d'ange"
est le masque d'un monstre. Et, un jour, il tue sa mère,
son père, son frère et blesse grièvement
sa sœur.
A travers un journal épisodique qui relate d'abord le
passage à l'acte de manière distanciée,
clinique, dépourvue d'affect, puis, entremêlés,
ceux des années passées et des années qui
suivront, l'adolescent met en exergue des événements
qui, s'ils ne lèvent pas totalement le voile sur le monde
énigmatique de l'adolescence, donnent des clés
d'interprétation à son geste.
C'est son histoire telle qu'il l'a vécue. Et le recours
à l'acte meurtrier n'est peut-être pas tant un
aboutissement qu'une impossible libération.
Pour ce très réussi premier roman, Jean-Marc
Pitte, reporter et journaliste, s'est inspiré
d'un fait réel récent survenu en France pour traiter
de manière fictionnelle d'un sujet éminemment
délicat, poignant et fascinant, l'adolescence criminelle,
qui navigue d'autant plus entre l'horreur, l'incompréhension
et l'inquiétude qu'elle se manifeste par un homicide
intra-familial commis par un enfant qui n'est ni sociopathe
ni névropathe, et qui mobilise criminologues, psychiatres
et sociologues.
Difficile d'en dire plus sans déflorer la mécanique
du roman qui relève un peu de l'enquête. Toutefois,
mortifères et voyeuristes glauques, passez votre chemin
car ce roman se situe aux antipodes des chroniques à
sensation traitées à la manière "Détective".
Restituant de manière crédible ce que peuvent être
le langage et le raisonnement d'un adolescent, Jean-Marc Pitte
privilégie une approche réaliste et sensible d'une
âme douloureuse et, sans enfoncer le clou de la famille
pathogène ni entonner l'antienne de la culpabilité
sociétale, tente d'agencer des morceaux dispersés
d'un puzzle mnésique. Car même s'il n'y a pas de
déterminisme inéluctable en la matière,
rien n'arrive par hasard. |