Il est d'usage courant de dire que certains naissent avec une
cuillère d'argent dans la bouche et d'autres avec la
poisse collée aux basques, la faute à pas de chance,
au destin ou au karma, mais aussi que la roue tourne et qu'il
faut savoir faire le dos rond en espérant des jours meilleurs
tout en tirant stoïquement les enseignements des épreuves
que la vie inflige.
Le premier roman de Vikas Swirup, diplomate qui s'est lancé
avec succès dans l'écriture en 2005, et qui a
été porté à l'écran en 2008
par Danny Boyle sous le titre "Slumdog Millionaire",
film fameux pluri-oscarisé, illustre ces préceptes
qui peuvent s'assimiler au commencement de la sagesse sous forme
d'un récit picaresque qui raconte les tribulations d'un
enfant abandonné, livré à lui-même,
comme il en existe tant en Inde.
Ce récit se présente comme une succession de
flash-backs qui viennent expliquer comment un jeune serveur,
injustement accusé de tricherie après avoir décroché
le gros lot au jeu "Qui veut gagner un milliard de roupies
?", a pu, au fil des années de misère et
de survie, engranger des connaissances aussi inattendues que
disparates pour acquérir une certaine culture générale.
Il se compose de chapitres qui suivent l'ordre des questions
du jeu avant un dénouement inattendu et un bienvenu happy
end.
Le titre original "Q&A", qui colle au début
de l'intrigue et à la forme du roman, a été
remplacé en français par "Les fabuleuses
aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire" qui
privilégie son côté picaresque tout en lui
assignant le caractère de fable, qu'il revêt au
demeurant.
Le lecteur suit avec intérêt, plaisir également
car le récit n'est pas dénué d'humour,
les tribulations tragi-comiques du jeune garçon au nom
symbolique, Ram Mohammad Thomas, enfant intelligent et pragmatique,
dont le début de la vie d'orphelin lui a néanmoins
permis d'acquérir des rudiments d'éducation ; qui
déjoue tous les pièges tendus aux enfants de la
rue et agit même en héros malgré lui, à
la manière d'un ange vengeur, en donnant du fil à
retordre aux malfaisants voire en les éliminant.
Bien évidemment, les tribulations du jeune Ram comportent
des étapes un peu convenues, des bidonvilles de Bombay
au Palais du Taj Mahal en passant par Bollywood, les personnages
hauts en couleur sont relativement archétypaux et le
happpy end de rigueur même si le dénouement tout
en étant inattendu ressemble à une fable morale.
Mais c'est le propre de la fable et sous couvert de celle-ci,
l'auteur, qui par ailleurs saisit bien l'humanité des
personnages sans verser dans le misérabilisme, et ne se
contente pas d'un simple constat sur l'état de l'Inde
contemporaine. Il aborde de façon certes toujours mesurée
- ce qui n'interdit ni le réalisme ni la conviction -
les terribles différences de classes, les fléaux
qui accompagnent toujours la précarité et la misère,
l'exploitation des enfants et les tensions violentes entre hindous
et musulmans. |