Patrick
Weber, journaliste, chroniqueur, scénariste et
spécialiste des têtes couronnées, publie
un ouvrage consacré à "La
Reine Carla". Mais de quelle reine s'agit-il donc
se demande le passionné d'histoire qui n'en trouve pas
trace dans le gotha doré ?
Et bien de Carla Bruni qui a épousé en l'an 2008
le bon roi Sarkozy 1er comme s'en gaussent les humoristes et
qui, si elle n'a pas été couronnée au sens
monarchique du terme, a été adoubée par
les médias qui sont devenus simultanément les
bouffons du roi et les grands gourous des français dont,
en l'espèce, l'attachement à la royauté
est d'autant plus forte depuis la décapitation de Louis
XVI, lesquels l'ont semble-t-il adopté avec fierté.
Fierté parce que, comme ne cesse de le rappeler Patrick
Weber qui partage leur fascination, elle flatte leur ego. En
effet, elle est jeune encore, la quarantaine épanouie,
belle, avec sa silhouette d'ex-mannequin, riche, née
avec une cuillère d'argent dans la bouche, artiste, star
de la chanson française, et intelligente ayant su séduire
un chef d'Etat à la réputation féroce.
Comme le conclut Patrick Weber "Trop de fées se
sont penchées sur son berceau pour qu'elle ne soit qu'une
simple petite princesse aux allumettes. Elle est la nouvelle
Cendrillon mais, à la différence de la jolie héroïne
du conte, son carrosse ne risque pas de se transformer en citrouille
quand sonnent les douze coups de minuit. Cela fait trop longtemps
qu'elle a appris à danser pour ne pas rester l'unique
héroïne du bal... même quand les violons se
sont tus."
Autant dire que cet ouvrage très "politiquement
correct", même s'il fait état de critiques
ou des propos maladroits de l'intéressée en prenant
bien soin d'en citer les sources, et dont le coeur de cible
est le lectorat assidu de Paris Match et Point de Vue, ressortit
davantage à l'hagiographie et ne comporte aucune révélation.
En effet, il se présente davantage comme une analyse
synthétique du phénomène Carla, dans lequel
il est possible en grattant bien de voir les timides et implicites
prémices d'un exercice de style satirique au second degré,
qui révèle une fascination certaine de l'auteur
pour son sujet.
Et travaillant toujours à partir du même matériau,
peu consistant se composant de la partie émergée
et soigneusement médiatisée d'en haut de
deux années de règne, l'exercice pâtit inévitablement
de redondances.
D'autant que la première partie ("Les Très
riches Heures de Dame Carlita") consiste en une compilation
de toutes les commentaires publiés dans la presse et
ce quasiment au jour le jour à compter de la naissance
de la love story en décembre 2007 au dernier épisode,
fin 2009, de la saison 1 de la sitcom bling-bling scénarisée
par l'Elysée en personne. Car il faut bien divertir le
menu peuple avec des contes de fées pour grandes personnes
de manière à ce qu'il s'endorme bien vite et
sereinement sans cauchemarder sur la conjoncture socio-économico-politique
qui n'annonce pas, pour certains, des lendemains qui chantent.
Après cet exercice factuel, au demeurant indispensable
pour le lecteur attentif à la petite histoire des grands
de ce monde qui n'est pas abonné à tous les quotidiens
et magazines, Patrick Weber s'attache à une vaste opération
de crédibilisation pseudo scientifico-historique consistant,
d'une part à établir que l'érection d'une
roturière au rang royal n'est pas si fantaisiste qu'il
y paraît en démontrant, par comparaison avec certaines
grandes reines de France de l'Ancien Régime, que Carla
Bruni-Sarkozy a l'étoffe d'une souveraine tant par ses
qualités affichées que par ses défauts
certains.
D'autre part, dans une société du paraître,
la Reine Carla est plus valorisante pour l'image de la France
aux yeux du monde que les premières dames de la Vème
République qui l'ont précédée : entre
la star des podiums et la popote Yvonne, l'écuyère
Bibiche, la potiche Giscard, la passonaria de Mitterandie et
la dame patronnesse Chodron de Courcel, il n'y a bien évidemment
pas photo. Ou du moins la photo est plus belle.
Mais sur quoi règne la belle Carla ? Car une reine sans
royaume est comme un milliardaire sans yacht, une rose sans
parfum, Stone sans Charden ou un chômeur sans assedic.
Et bien, et grâce à Patrick Weber, cette question,
au demeurant existentielle, surtout pour l'intéressée
qui avoue être une vestale de la psychanalyse, a sa réponse
: Carla est la reine du beau pays des People ! D'autant que
celui-ci était quasiment orphelin depuis la relative
déliquescence du Rocher que les français avaient
chaleureusement adopté. Heureusement qu'après
le royaume d'opérette se profile la République
spectacle !
Là encore, comme les médias spécialisés
ont horreur du vide, Carla arrive au bon moment. Et, dixit l'auteur,
l'attribut royal se justifie dans un siècle télémédiatique
dans lequel les beautiful icônes du réservoir à
rêves étaient des femmes appartenant aux grandes
dynasties royales ou politiques. Et Carla de succéder
à Astrid de Belgique, Grâce de Monaco, Lady Di
et surtout Jackie Kennedy avec qui elle aurait un taux de compatibilité
maximum. De là à subliminer un parallèle
avec JFK… le chef de l'Etat a peut-être de quoi s'inquiéter. |