Spectacle
conçu et mis en scène par Valérie Dontenwille,
avec Laura Couturier, Laurent Grappe et Anne Lemoel.
Tout sujet peut être abordé au théâtre,
mais il est des sujets plus "casse-gueule" que d'autres.
La violence conjugale fait partie de ces sujets.
Dans "Un tramway nommé désir" de Tennesse
Williams, si la violence est présente, c'est l'incapacité
à aimer et à être aimé qui en est
principalement le thème. Des textes comme ceux de Dan
Fante, Bukowski ou d'Hubert Selby Jr. vont chercher dans la
fange un matériau sordide à sublimer à
travers la poésie, même brute et brutale, du langage.
Or dans cette pièce de Valérie
Dontenwille, la violence du personnage principal est
montrée de front. Il est alors étonnant que son
texte et sa mise en scène cherche en permanence à
ce que le public prenne ses distances avec le personnage masculin.
Lui est alcoolique et violent. Elle est amoureuse de lui et
a une piètre estime d'elle-même. Leurs deux névroses
se nourriront l'une, l'autre. La relation amoureuse versera
de plus dans la violence et les coups.
Or, dans le texte, c'est le personnage féminin qui,
vingt ans après la fin de cette histoire, encore traumatisée
par les coups, raconte comment cela s'est déroulé,
comment petit à petit la relation amoureuse se transforme
en cauchemar. Il y a donc ce subterfuge dans l'écriture
qui devrait permettre au lecteur ou au spectateur de prendre
du recul par rapport à l'histoire. Ensuite, le personnage
masculin est peintre et plasticien, d'où l'utilisation
de la vidéo sur scène. Il se filme dos au public,
et son visage est projeté sur le fonds de la scène,
mais ses yeux sont détournés, ils fuient la caméra,
l'acteur ne regarde pas le public dans le fonds des yeux, comme
honteux. Cette utilisation intelligente de la vidéo,
là encore, est le signe de l'intention de la mise en
scène de permettre un regard distancié. La confrontation
du spectateur à la violence du sujet devrait alors être
atténuée par ces effets.
Or les scènes de couple sont jouées avec les
mêmes lumières et sur le même plan que les
monologues féminins dits vingt ans plus tard. Le passage
d'une époque à une autre est très rapide.
De plus, à la fin de la pièce, la confrontation
du public avec le diaporama des soi-disant photos de l'artiste
qui ont pour sujet le corps de sa compagne couvert de bleus
sous une lumière crue, réduisent à néant
les efforts de distanciation que le texte ou la mise en scène
semblait chercher à instaurer.
Le public se trouve donc confronté à un sujet
violent, imposé par l'image, et qui n'est pas sublimé
par la langue parlée du texte, ni suffisamment tenu à
distance en étant abordé comme une histoire racontée.
Au regard du thème abordé, les effets de mise
en scène se révèlent trop maigres pour
que le public, ou du moins une partie, aborde sereinement ou
analytiquement un texte dans lequel il semble bien difficile
de s'identifier à l'un ou l'autre des personnages. Valérie
Dottenwille a écrit une pièce et la fait jouer
pour témoigner de la violence conjugale, mais l'efficacité
de son propos se trouve malheureusement affaibli par la manière
parfois maladroite, et bien qu'elle montre avoir conscience
de cette difficulté, d'imposer cette violence de manière
trop brutale au spectateur. |