La
première fois que j’ai entendu cet album, un frisson
m’a parcouru le dos. Puis j’ai eu envie de rejoindre
la lumière, le soleil, sortir au grand air. Embarquer un
lecteur de CD portable, ce disque Misery
is butterfly, une monographie de Nicolas
de Staël et me jeter sur un gazon bien frais pour dévorer
tout cela.
Mais voilà. Coincé entre mes quatre murs, je ne peux
pas aller bien loin. Du coup, je m’assoie, ferme les yeux
– je ne les rouvre que pour compulser les paysages méditerranéens
tels que les perçoit de Staël dans le recueil que j’ai
extrait de la bibliothèque – et j’écoute.
Et ce que j’entends tout au long de cet album est merveilleux,
unique, presque irréaliste. Une musique fantastique, chaude,
épaisse envahit mes songes alors que la voix sexy de Kazu
Makino m’inspire d’autres pensées, plus
sensuelles, moins tranquilles celles-là mais tout aussi douces
et envoûtantes.
Etrangement quand j’entends "Magic
Mountain" (neuvième titre de l’album),
je me jette sur mon magnétoscope, farfouille parmi la pile
des cassettes vidéo et m’empresse de placer "Histoire
d’O" dans le lecteur.Sais pas pourquoi...(je n’explique
toujours pas mon geste.)
... mais les images, fantomatiques, romantiques et érotiques
que je vois alors (j’ai coupé le son) s’accordent
très bien avec les reproductions de De
Staël et les prodigieuses sonorités des Blonde
Redhead.
Oui voilà cet album est presque sensuel, presque érotique.
Hum ! Bon, je descends de mon nuage...
Les Blonde Redhead ont fait du chemin depuis Melody
of Certain Damaged Lemons sorti en 2000. L’attente
a été longue, notre patience commençait à
atteindre ses limites mais – ô sublime – Misery
is butterfly vient récompenser notre endurance. C’est
un véritable plaisir, inédit à ce jour, que
d’entendre des titres comme "Elephant
Woman" qui atteint des sommets (et ce n’est que
le premier titre !), comme "Misery is
butterfly" ou "Falling man".
Délaissant les ambiances bruyantes, les différents
sons (cordes, guitares, électroniques, batterie...) fusionnent,
se lient, forment une trame qui s’évapore à
la fin de chaque titre. Une osmose est créée. Tous
les instruments et les voix (Amedeo Pace
et Kazu Makino) trouvent leur place :
rien de superflu ici.
En plus, le tout est emballé dans un packaging terrible,
original et luxueux tout à fait dans la ligne 4AD.
Misery is butterfly est un bijou, une
merveille. Appelez cela comme vous voulez : de l’avant-garde
noisy, de la pop baroque expérimentale…Je m’en
fiche. Je sais seulement que cet album est le meilleur que j’ai
écouté en 2004, et peut être même depuis
2003.
Et de loin.
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