Delphic, nouvelle bête buzz, a tout de New Order : comme son illustre ancêtre, le trio vient de Manchester ; comme lui, il propose un dance-rock électronisé plus destiné aux dance-floor qu’aux salles de concerts où l’on slamme ; comme lui, surtout, il m’ennuie prodigieusement.
Mais Delphic va plus loin que New Order, il cumule le mauvais goût et l’absence de personnalité, quand la réincarnation de Joy Division avait au moins pour elle une certaine qualité dans l’écriture musicale. Quant à Delphic… Les plus jeunes se demanderont par moment comme l’on peut à ce point et aussi mal plagier Bloc Party ; les trentenaires se rappelleront avec embarras des début des Chemical Brothers ou de Prodigy, de la cohorte de suiveurs moins talentueux qu’eux qu’ils avaient engendré ; les plus cultivés trouveront peut-être quelque parenté avec les excellents italiens de Port-Royal, en plus pop et en plus pauvre, infiniment plus.
On songera aussi aux DJs anonymes des boîtes de nuit l’été, en Grèce ou en Tunisie ; certains titres m’ont même rappelé les fêtes foraines qui avaient lieu sur le grand parking près de l’appartement de mon adolescence, à Limoges – quand les choix de sonorisation, toujours extrêmement pertinents, de chaque forain, se superposaient en un magma sonore qui n’avait d’équivalent que les odeurs cumulées des beignets, frites, barbe-à-papa et autres cigarettes de tabac brun fumées sans filtre.
La seule véritable perspective que pourrait ouvrir un album comme celui-là n’est pas musicale, elle est critique. Comment en effet les médias, les grands barons de l’independentia hebdomadaire et institutionnalisée en tête, peuvent-ils vendre si insipide, voire infâme, soupe, comme "le premier grand album de 2010" ? Méfie toi, amateur d’art audible, car on pourrait bien vouloir te vendre n’importe quoi, au 21ème siècle encore… |