Drame
comique de Eugène Ionesco, mise en scène Samuel
Sené, avec Christian Bujeau, Caire Baradat et Cathy Sabroux.
"La leçon" de Eugène Ionesco se présente
un drame comique en prose écrit à partir d'une
situation très banale, puisée dans la vie ordinaire
comme toujours chez cet auteur, contenue dans le titre : une
jeune bachelière vient prendre des cours particuliers
auprès d'un professeur omniscient pour accéder
à un diplôme de l'enseignement supérieur.
Mais elle est accueillie par une bonne-assistante énigmatique
qui déconseille au vieux professeur de commencer par
les mathématiques car "l'arithmétique mène
à la philologie et la philologie mène au crime".
Et toute la fin est donc dans le commencement.
A travers l'enseignement de ces deux disciplines, va s'établir
entre le professeur "savant" introverti et l'élève
obtuse un rapport de force sado-masochiste, subi par cette dernière,
par laquelle Ionesco non seulement de manière loufoque
par les chausses trappes du langage qui mènent à
l'incommunicabilité mais également de manière
burlesque, au sens premier du terme, décortique les rapports
janusiens du pouvoir et du savoir, qui constituent le socle
des totalitarismes, et illustre, voire démontre, les
effets pervers de ce dernier, en termes d'aliénation
notamment, tant sur les consciences individuelles que sur les
corps.
Samuel Sené signe une mise
en scène fidèle au texte et aux principes de conception
de l'auteur, "une pièce à trois personnages
aux éléments scénographiques extrêmement
simples" qui met en place un triangle infernal qui n'a
rien à voir avec celui du vaudeville bourgeois, tout
en impulsant le rythme adéquat à la montée
en puissance dramatique, du rire à l'horreur absolue,
qui, à son paroxysme quasiment orgasmique, saisit le
spectateur de pur effroi.
Bien évidemment la prestation des comédiens,
tous remarquables, doivent être salués pour leur
travail sur une telle partition. Cathy Sabroux, dans le rôle
de l'assistante représentant l'émanation de la
bonne mauvaise conscience sociétale, instille avec justesse
et mesure cette inquiétante étrangeté
signifiante pour le spectateur et Claire Baradat a toute la
fraîcheur candide de la jeune fille de bonne volonté
et réussit subtilement à se muer en poupée
désarticulée, objet de toutes les violences.
Christian Bujeau est tout simplement
époustouflant dans l'interprétation des divers
sentiments qui assaillent le personnage de lettré civilisé
dont les instincts destructeurs et refoulés du cerveau
archaïque ne sont pas abolis, de l'apathie dépressive
à l'exaltation, de la pédagogie à la tyrannie,
de la compulsion délirante à la pulsion sauvage. |