Comédie
dramatique de Jean-Marie Besset, mise en scène de Gilbert
Desvéaux, avec Andréa Ferréol, Didier Sandre,
Marc Arnaud, Mathilde Bisson, Brice Hillairet, Chloé
Olivérès et Lahcen Razzougui.
La pièce "RER"
de Jean-Marie Besset, qui a d'abord
été portée au cinéma par André
Téchiné sous le titre "La fille du RER",
vient sur son terrain naturel qu'est la scène, en l'occurrence,
celle du Théâtre de la Tempête.
Vivant à cheval entre Paris et New York, Jean-Marie
Besset s'est inspiré de faits divers, survenus en France
comme outre-Atlantique, dans lesquels des jeunes filles ont
inventé des agressions à caractère sexuel
et raciste, comme manifestations de leur souffrance psychique
face à une société qui ne répond
pas à leurs aspirations et n'entend pas leur désespoir,
qui ont défrayé la chronique socio-politique au
terme d'un battage médiatique et politique immédiat
dans un monde en quête de sensationnel et de chevaux de
bataille.
Mais ce n'est pas cet aspect qu'il traite mais, en sus de ses
thématiques récurrentes que sont la judaïté
et l'homosexualité, du clivage socio-culturel entre pauvres
et riches que seuls des télescopages inattendus mettent
en contact de manière très occasionnelle car,
si le dénouement est en demie teinte, l'opus ne déroge
pas à la croyance en un déterminisme social.
Sur scène, un somptuaire décor mobile de Alain
Lagache focalise sur ce clivage comme la structure en brèves
scènes de la partition théâtrale qui penche
vers la tragi-comédie avec des personnages monovalents
voire caricaturaux.
D'un côté la banlieue, du 9-3 bien sûr,
et le pathétique tous azimuths et sans avenir, avec une
caissière de supérette à la dérive
qui veut être aimée et rêve d'être
la madone des boeings (Mathilde Bisson) dotée d'une mère
caricature de la beaufitude du français de souche aigri,
xénophobe et poujadiste (André Férreol
saisissante) et qui suit le premier venu, un paumé qui
vit d'expédients (Marc Arnaud réaliste sans sur-jeu).
De l'autre, les beaux quartiers parisiens et l'open space des
nantis sans problème de fins de mois, un avocat, cultivé
et aisé, juif et homosexuel (Didier
Sandre épatant dans le désenchantement),
éconduit par un jeune centralien travaillant en Chine
(Lahcen Razzougui) épris d'une
riche étudiante juive qui joue les ouvreuses dans un
cinéma d’art et d’essais et les passionnarias
(Chloé Olivérès).
La première scène de la pièce, la scène
de la fille aux valises, dans laquelle Mathilde Bisson, récente
promue du CNSAD, qui promène toujours son air de lévitante
illuminée, fait merveille.
En suite, la scène de consommation homosexuelle avortée
entre Didier Sandre prodigieux dans le dessillement mélancolique
et Marc Arnaud saisissant de vérisme, qui, avec la digression
sur Oscar Wilde, marque la mesure et l'impact du fossé
culturel non seulement quant aux conséquences sociales
sur mais également sur la structuration de l'individu.
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