Comédie
dramatique adaptée d'un texte de Marguerite Duras, mise
en scène de Ahmed Madani, avec Elizabeth Macocco, Laurent
Manzoni et Nicolas Pignon.
Travail théâtral exemplaire sur l'univers durassien
que celui de Ahmed Madani et Elizabeth Macocco, soutenu par
un jeu sans faille des trois comédiens, dans "Le
théâtre de l'amante anglaise" adapté
du roman "L'amante anglaise" de Marguerite Duras.
A partir de ce texte inspiré d'un fait divers sanglant
intervenu à la fin des années 1940, qui traite
selon l'auteur elle-même, de "la petite bourgeoisie
française, morte vive dés qu’elle est en
age de penser, tuée par l’héritage ancestral
du formalisme".
Mais également de la folie, ce monde où "
il n'y a rien, ni bêtise, ni intelligence, c'est la fin
du manichéisme, de la responsabilité, de la culpabilité"
et, surtout, de la thématique durassienne par excellence
qu'est l'amour dont l'épuisement ou, comme en l'occurrence,
la perte conduit à une mélancolie au sens psychiatrique
du terme ne pouvant conduire pour Duras, si elle ne peut être
endiguée par la parole- l'écrit, qu'à la
mort psychique qui peut entraîner le déclenchement
de la pulsion de mort physique.
Dans ce huis clos conçu comme un double face-à-face
dans un espace temps sans affect, sur une scène trifrontale
et dans un décor clinique, sorte de boite de carreaux
blancs, deux regards et deux paroles sur un même fait.
Des regards inquiets et des paroles incarnées.
Entre les deux, impertubable, confesseur, inquisiteur, policier,
journaliste ou psychiatre, faut-il d'ailleurs le savoir, Nicolas
Pignon, assis parmi les spectateurs, use de tous les registres,
de la séduction à la manipulation persuasive.
Impeccable, Laurent Manzoni, sous les coups de boutoir de
l'interrogatoire qui ne laisse passer aucun détail, se
délite, passant de la bonne conscience à l'abattement,
de l'inquiétude au désarroi, soumis à une
sorte de translation psychique. De simple témoin impuissant,
mesquin et méprisable, il devient suspect, coupable d'instigation
passive.
Elizabeth Macocco est stupéfiante
dans le rôle de cette femme insaisissable, qui dit d'elle-même
qu'elle n’était-elle pas assez intelligente pour
l’intelligence qu’elle avait. Une femme totalement
ambivalente, comme soumis à une partition dichotomique,
aussi passionnée dans l'évocation de la jeune
femme séduite par l'agent de Cahors, cet amour unique
et idéal, que pétrifiée dans le jardin
où elle respire les effluves de la fameuse menthe anglaise,
prise au piège d'une vie étriquée, médiocre,
dépossédée de son propre rôle au
sein de son foyer conjugal par une cousine-gouvernante laide,
grosse, sourde et muette, dans une maison placée sous
le signe de l'incommunicabilité absolue.
Du très grand art sous la baguette invisible de Ahmed
Madani qui a su orchestrer de grands talents.
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