Les
expositions proposées par le Musée
National de la Renaissance sont très souvent dictées
non seulement par le souci de proposer au public un focus sur
une de ses collections permanentes, qui couvrent tous les arts
de la Renaissance, mais s'inscrivent également dans le
cadre de l'enrichissement de son fonds et des recherches iconographiques
en matière d'histoire de l'art.
Tel est le cas de la dernière en date qui sous le titre
"De la lettre à l'émail
- Léonard Limosin interprète Ovide"
qui, suite à l'acquisition, lors de la très médiatique
vente de la collection Yves Saint Laurent-Pierre Bergé
intervenue en 2009, d'un émail peint de Léonard
Limosin représentant le héros Pâris.
A partir de cette oeuvre réalisée Léonard
Limosin qui constitue un pendant à celui de Déjanire
déjà détenu par le musée et qui
enrichit sa très belle collection d'émaux de Limoges,
Thierry Crépin-Leblond, conservateur
général du patrimoine, et directeur du Musée
National de la Renaissance qui mène une politique très
active d'enrichissement et de mise en valeur du musée,
et Stéphanie Deprouw, conservateur
du patrimoine, ont conçu une exposition à "double
détente".
En effet, à partir d'une oeuvre particulière,
une des pièces d'une série de plaques émaillées
portraiturant les héros mythologiques qui constituaient
les personnages d'un long poème d'Ovide connu sous le
nom de "Les Héroïdes", ils ont souhaité
élargir le propos à l'esprit de la Renaissance.
Une grande pièce du Chateau d'Ecouen est donc spécifiquement
dédiée à cette exposition sous vitrines
qui comporte une soixantaine d’oeuvres, notamment des
émaux peints et des manuscrits enluminés, les
conditions de conservation de ces derniers imposant une faible
luminosité qu sied avec la luminosité des premiers.
De la lettre à l'émail
: l'aspiration au beau à l'antique
L'exposition permet donc, à travers une sélection
d'oeuvres très rigoureuse, de découvrir l'art
de l'émail, un des arts majeurs de la Renaissance dans
le registre du décor architectural et des arts décoratifs.
D'autre
part, elle met l'accent sur l'oeuvre d'un émailleur,
qui fut nommé par François Ier à la tête
de la Manufacture royale des émaux de Limoges et "émailleur
et peintre ordinaire de la chambre du roi" sous le règne
de Henri II, qui jouissait d'une grande renommé tant
par la technique que par la qualité de ses créations.
Elle présente non seulement des émaux polychromes,
caractérisé par leur fond bleu intense et le réalisme
de la représentation, comme l'atteste les portraits royaux
réalisés d'après les portraits dessinés
de Clouet, mais également des émaux en grisaille
avec des rehauts de blanc et d'or d'un raffinement inégalé.
La source d'inspiration du cycle de portraits exécutés
par Léonard Limosin, point d'orgue de cette exposition,
se trouve être un ouvrage d'Ovide "Les Héroïdes"
qui était constitué de lettres échangées
entre des amants mythiques de l'Orestie.
Cet
ouvrage connut une large diffusion à la Renaissance,
grâce à l'essor de l'imprimerie, et une large audience
non seulement en raison de l'engouement pour l'Antiquité
que connut cette période mais également en tant
que support pédagogique de grammaire et de rhétorique
pour les étudiants ainsi que du fait d'un vrai succès
littéraire.
Un succès qui tenait tant aux valeurs morales qui y
étaient prônées que par sa forme de poésie
amoureuse qu'affectionnait la Renaissance.
Le point d'orgue de cette exposition est constitué par
la réunion exceptionnelle de 12 portraits réalisés
par Léonard Limosin.
Exceptionnalité
effectivement grâce aux prêts des musées
français, le Musée des Beaux-Arts de Blois, le
Musée Crozatier du Puy en Velay et le Musée de
Compiègne - qui en détient 6 à lui seul
- puisque 17 plaques ont été identifiés
à ce jour pour un ensemble qui en aurait comporté
34.
Selon le goût de l'époque, il s'agit de portraits
en buste, de trois-quarts ou de face, identifiés par
leurs noms écrits en lettres d’or, qui font l'objet
d'une représentation revisitée par l'artiste qui
leur aussi bien en costume antique qu'en costume contemporain.
Ces portraits semblent pour la plupart imaginaires mais la
ressemblance de celui de Médée avec Anne d'Este
constitue un beau sujet d'étude non encore épuisé
de même que de la datation certaine de l'oeuvre, de l'origine
du commanditaire, présumé être Catherine
de Médicis, et de la destination de ces plaques décoratives.
Une oeuvre qui n'a donc pas encore révélé
tous ses secrets. |