Conte
initiatique d'après Andersen, adaptation et mise en scène
de Jean-Luc Mingot, avec Aïcha Finance, Gérard Graillot
et Jean-Luc Mingot.
Jean-Luc Mingot travaille toujours dans l'épure, dans
l'économie des mots, ce que révèle le choix
des oeuvres qu'il met en scène comme récemment
"Le viol de Lucrèce" de Shakespeare et "Savannah
bay" de Marguerite Duras pour laisser les comédiens
les porter avec son métier, son talent, son art, pour
les laisser respirer, se pose, vibrer et se diffuser dans l'air
pour résonner dans l'esprit du spectateur.
Il en est de même avec ce conte dramatique, "Les
petites allumettes", dont il est l'auteur et dont il assure
la mise en scène, inspiré par le sort tragique
des femmes soumises non seulement à la dureté
de la vie mais également premières victimes de
la violence de l'Histoire et de la barbarie des hommes, et,
en l'espèce, plus précisément indique-t-il
par les héroïnes d'un conte d'Andersen "La
petite marchande d'allumettes" et du film "Le lys
brisé" de Griffith.
Il raconte le destin brisé d'une jeune femme d'origine
tsigane cernée de toutes parts par cette violence tant
institutionnalisée, pratiquée par un état
qui opère, entre autres atrocités, l'épuration
ethnique, qui, sans être cité, évoque bien
évidemment le Troisième Reich, que dispensée
par l'individu qui l'a sauvée de la mort. Alors qu'il
ne lui reste rien que le souvenir des jours heureux de l'enfance
placée sous le signe de la musique, de la danse et des
chansons, seule une lumière venue sans doute d'ailleurs
sous forme d'un homme qui, comme elle, a souffert peut illuminer
sa pauvre existence par la transcendance de l'amour.
Pour mettre en scène ce texte fort, troublant et envoûtant
qui prône d'une certaine manière une espérance
profane qui tend cependant au divin, Jean-Luc Mingot applique
au théâtre une technique picturale, le clair-obscur,
dans son contraste le plus violent : plus l'obscur est sombre
plus il révèle la parcelle de lumière qui
va irradier l'ensemble.
En l'occurrence, il le fait et le réussit, bien évidemment,
avec une scénographie qui repose essentiellement sur
les lumières, mais également avec le jeu intense
d'une comédienne, toujours étonnante dans sa capacité
à rendre lumineux le tragique, Aïcha Finance magnifique,
entourée de Gérard Graillot plus vrai que nature
en infâme exploiteur aviné et de Jean-Luc Mingot
diablement impressionnant dans un double rôle janusien
qui révèle les deux faces possibles de l'homme. |