Éclairons tout de suite celui qui en aurait encore besoin : quelle est la différence entre le rap et le hip hop ?
Le premier est une technique de chant, dont le nom pourrait bien venir de l'anglais argotique, le verbe "to rap" pouvant signifier "parler sèchement" ou "baratiner". On en a ensuite fait l'acronyme de "rythm and poetry" (rythme & poésie), ce qui indique fort bien l'objectif que se fixe le chanteur usant des syncopes spécifiques qui définissent ce style.
Le second est un mouvement musical et culturel, apparu dans les années 70 aux Etats-Unis, qui recoure massivement au premier.
Toute l'ambiguïté de WHY? tient dans ces deux termes. Parce que d'un côté Yoni Wolf, l'âme et la voix du projet, ne rappe plus tant que cela, quoiqu'il rappe encore parfois ; parce que d'un autre côté la formation appartient au collectif Anticon, connu pour offrir l'équivalent hip hop du post-rock, avant-garde hip hop souvent affublée du très laid sobriquet d'avant-hop.
Parce que ses deux derniers album (Alopecia en 2008 et Eskimo Snow en 2009, enregistrés pendant les mêmes sessions) marquent un virage pop évident, avec l'intégration au trio de Andrew Broder (guitare) et Mark Erickson (basse), échappés de Fog. Yoni Wolf le dit lui-même : cet album est certainement ce qu'il a fait de moins hip hop. Et la critique, réservée quand elle n'est pas négative, n'y retrouve pas forcément son latin.
C'est tout cet écart entre pop et hip hop que l'on sent sur scène (et tant qu'à inventer des catégories au nom hideux, pourquoi ne pas parler de Hip Pop ?!). Résultat : un concert en demi-teintes du point de vue de l'énergie, mais ciselé finement, avec un respectable souci du détail dans les arrangements, où tout peut sembler fait pour laisser la part belle aux textes. Aux percussions, Josiah Wolf, le grand frère, fait un travail énorme en combinant admirablement vibraphone et batterie.
Les claviers et guitares s'accommodent, les beats électroniques sont bien loin. On regrettera certainement que la scénographie ne laisse aucune place aux musiciens, réservant le plus grand de l'espace scénique déjà modeste de l'Aéroclub au seul chanteur, seul en lumière, aussi – la part belle aux textes, disait-on...?
Le set de ce mardi justement tournera exclusivement sur les titres des deux derniers albums à l'exception notable du très entraînant "21st century pop song" de Hymie's basement, projet parallèle du duo Yoni Wolf / Andrew Broder.
Ajoutez à cela la première partie, assez décevante dans sa concision (un quart d'heure ; contre près de trente minutes de "changement de plateau", si l'on peut appeler ainsi le fait de remplacer une cymbale et de bouger deux micros sur un plateau déjà installé), assurée par Josiah Wolf, papa d'un album solo, Jetlag, lui aussi paru chez Anticon et où il laisse planer une voix parfois proche de celle de Bill Calahan – vous voyez : on sait rester en famille ; les mauvaises langues diront : et se vendre.
Sorti du rap pour venir défendre sur scène ce qu'il a de plus pop, le WHY? nouvelle façon, quintet de jeunes trentenaires, a finalement certainement un peu de mal à convaincre.
Quand l'ambiguïté ne se résout pas en tension savoureuse (comme elle avait su le faire, par exemple, lorsque explosa un album fondateur comme le Dummy de Portishead, un pas de côté, et de géant, dans les contre-allées sombres du hip hop), elle ne laisse à l'oreille qu'une sorte d'indistinction, d'indétermination qui peut bien avoir ses moments forts, mais ne suffit jamais à ouvrir un nouvel horizon. Une agréable soirée de concert, sans plus, donc, en attendant le pas suivant. |