Comédie
dramatique de Pierre Vignes, mise en scène de Camille
Pawlotsky, avec Anne Puisais et Stéphane Aubry.
"Ne pas être comme les autres". Voilà l'antienne nihiliste de ce couple, ce qui signifie concrètement vivre en marge de tout, des autres, de la société, des circuits économiques, de la vie elle-même. Résultat : le squatt, le huis-clos affectif, la réclusion, les expédients, pas de travail, pas d'argent, l'un accompagnant la dérive de l'autre pris au piège d'une dépendance médicamenteuse. Inexistants, transparents.
De la transparence à la disparition, "Emma", adaptation par Pierre Vignes d'une pièce de l'auteur australien Daniel Keene, plonge au coeur de ce mal-être qui les ronge et les amène à devenir les Bonnie and Clyde des amphétamines, dernier épisode désespéré d'une cavale métaphysique écrite avec beaucoup d'intelligence et de pudeur, sans référence à leur passé, le laissant à l'imaginaire du spectateur, sans psychologisme, sans stigmatisation ni morale, sans voyeurisme ni même de compassion.
Simplement un huis clos sans issue entre deux êtres depuis trop longtemps vivant en autarcie, déconnectés du réel dans l'illusion, ou la posture, d'un romantisme hors de siècle, sans projet ni avenir, que Camille Pawlotsky met en scène hors pathos avec sobriété et efficacité, et avec une grande économie dramaturgique qui laisse ouvert le champ d'interprétation même si est fortement suggéré la piste de l'immaturité et de la régréssivité, les deux protagonistes passant leur temps à se vautrer par terre ou à retrouver la symbolique position foetale.
Anne Puisais et Stéphane Aubry incarnent ces vieux Roméo et Juliette avec juste ce qu'il faut d'âme et de transcendance tragique pour dépasser la narration réaliste. |