Spectacle
écrit, mis en scène et interprété
par Rabih Mroué et Lina Saneh.
Comédiens et metteurs en scène libanais, Lina
Saneh et Rabih Mroué, proposent
avec "Photo-romance" un spectacle
profondément engagé et réflexif qui s’inscrit dans la performance
tout en ressortissant totalement au théâtre dans son acception
classique du terme. Ce qui, bien évidemment, ne peut que susciter
l'intérêt voire l'engouement.
Théâtre dans le théâtre, cet opus a pour argument la démarche d’une réalisatrice libanaise qui vient soumettre son projet au comité de censure représenté par un fonctionnaire qui, de par son incompétence notoire en matière culturelle, l’amène à devoir s’expliquer et se justifier sur chacun de ses choix tant au fond qu’en la forme. Et les obstacles et questions à lever ne manquent pas puisqu’elle a choisi de transposer au Liban un film italien réalisé en 1977, "Une journée particulière" d’Ettore Scola qui se déroule dans l’Italie fasciste, ce qui ne manque pas d’interpeller son interlocuteur tant sur l’opportunité de copier une œuvre existante que sur le choix des personnages qui s’avèrent en marge de la société et en décalage avec la pensée dominante.
Par ailleurs, en la forme, son film, projeté en intégralité et particulièrement saisissant, est composé d’images fixes et muettes à la manière des romans-photos, les dialogues étant dispensés à une voix, celle de la réalisatrice, ne comportant que les deux principaux protagonistes pour revendiquer le droit à l’existence de l’individu hors de son éventuelle appartenance à un groupe ou une classe.
Avec Charnel Harber, guitariste, compositeur et expérimentateur électronique de la jeune génération musicale beyrouthienne, qui joue en direct une bande-son post-rock, Lina Saneh et Rabih Mroué abordent, de manière salutaire, et parfois jubilatoire, toutes les thématiques actuelles qui déchirent la société libanaise placée en état permanent de dichotomie schizophrénique depuis la place et le rôle des femmes, face au machisme et à l'assujettissement domestique et familial, à la situation politique en passant bien évidemment par la religiosité. Ils initient également une fructueuse réflexion sur la matière théâtrale, rien ne vient du néant et, comme pour les autres arts, la création se nourrit du passé, sur le rôle du théâtre contemporain, la dramaturgie, la notion de représentation, la censure et les moyens de la contourner. A voir absolument. |