Jean-Laurent
Cochet, comédien, metteur en scène et professeur, publie,
aux bien-nommées Editions Pygmalion, un troisième livre intitulé
plus doctement "L'Art et la Technique
du comédien".
Mais en réalité, sous titré "Comme un supplément d'âme", et résultant de la transcription tempérée d'entretiens avec Jonathan Ryder, un de ses anciens élèves, un de ses goélands préférés, qui s'efface devant les réponses du Maître qui, ainsi, prenant la forme de soliloques, semblent s'adresser directement à chacun des lecteurs.
Et aborde maintes thématiques avec cette capacité qu'à Jean-Laurent Cochet d'embrasser tous les arts, de la poésie au cinéma, et d'évoquer les personnes qui comptent dans sa vie, qu'il s'agisse de ses chers disparus ou de ceux qui l'accompagnent aujourd'hui, rendant notamment hommage à Pierre Delavène devenu le directeur des Cours Cochet et de la compagnie Jean-Laurent Cochet à qui il léguera le flambeau.
Le cœur du livre concerne le métier de comédien, cette profession unique, "passeur de lumière", et l'acquisition d'une technique indispensable, essentielle, "pour qui faire du théâtre est une quête spirituelle, la recherche d'une vie plus large, d'une révélation plus grande, plus haute et plus profonde des êtres et des choses." Car pour Jean-Laurent Cochet, ce métier, cette vocation, ce don, n'est rien sans le labeur assidu qui ne connaît pas de fin et s'intègre dans une conception et une philosophie de la vie ambitieuses et exaltantes qui même humanisme, foi et épanouissement personnel.
Et cette technique aboutit à un art parfait avec "la chorégraphie du phrasé, la danse des préfinales, la sculpture de la réaccentuation, la musique de l'inflexion". Pour devenir le comédien idéal "celui qui a su jouer avec son reflet au point de se transformer en une marionnette dont le cœur bat ! Tel le montreur Bunraku des poupées japonaises. "
Jean-Laurent Cochet dissèque l'enseignement de cette technique qu'il a reçu de ses propres maîtres et évoque les particularités des auteurs du répertoire comme Marivaux et La Fontaine, Racine et Molière bien sûr, souvent trahis mais également les grands rôles souvent incompris, tels Tartuffe, Cléonte, Marianne et Clotilde du Mesnil qu'il a eu l'occasion, en plus d'un demi siècle de carrière et 40 ans de professorat, de jouer, mettre en en scène ou faire travailler.
Et puis, au détour des pages, il devise en toute liberté, au gré d'un vagabondage mnésique, dressant de sémillants portraits en quelques lignes, posant un regard terriblement lucide sur le monde présent ce qui ne l'empêche pas de s'enthousiasmer face aux jeunes élèves qui, depuis deux ans, lui donnent matière à espérer que le théâtre, "ce qu'il y a de plus grand au monde" engagement de tous les instants et véritable profession de foi, connaîtra peut-être bientôt une embellie et de rêver encore.
Rédigé au fil des mots, avec cette liberté propre à l'expression orale et aux apartés et digressions dont Jean-Laurent Cochet a le talent, émaillé de citations, de mots d'esprit de comédiens des générations passées et de conseils avisés, ce livre lève le voile sur un homme de théâtre hors du commun qui aime les parfaits au café et qui affirme "Je ne suis pas devenu ce que je suis ; je l'ai toujours été L'état de grâce est originel.". Sans modestie car "La modestie est un vice ! Elle tue. Comme la cigarette. On a travaillé pour être éblouissant. En pleine conscience."
Un livre à méditer pour ceux, bien évidemment, qui veulent embrasser le métier de comédien mais également pour tous les autres pour sa belle leçon de vie : "J'ai beaucoup aimé l'amour. J'ai adoré l'amitié. De tout temps, à tout âge. J'ai toujours eu l'impression d'être en parfait accord avec moi-même. Musicalement en mesure." |