Avec
les premiers beaux jours de 2010, nous retrouvons Jean-Laurent
Cochet pour nos entretiens axés principalement
sur le théâtre, bien évidemment, mais également
les Master Classes qui sont autant de rendez-vous qu'il donne
au public pour découvrir ses élèves et
l'art du comédien.
Un art qui tient d'abord à une technique dont il dévoile
les rudiments lors de ces cours publics d'interprétation
dramatique.
Mais trêve de bavardage et place aujourd'hui au théâtre
bien sûr mais également au cinéma.
Petit tour d'horizon sur ce début d'année
2010 sur l'actualité récente et à venir
de Jean-Laurent Cochet.
Jean-Laurent Cochet : Nous faisons une première tournée
- il y en aura une seconde en 2011 mais que je ne ferai pas
- qui nous a menés dans de nombreuses villes en France
et même en Suisse. Et nous reprenons la pièce à
Paris au Petit Théâtre de Paris à partir
du 28 avril 2010. Cette pièce connaît un beau parcours
et un beau succès depuis le Théâtre 14 où
elle avait bien marché. Il y a toujours les Master Classes
et les cours, ceux de Paris et de Vendée, la Vendée
qui est dans l'affliction en ce moment. Ensuite, en principe,
si tout se précise bien comme cela paraît, je vais
re-monter un Guitry, "Tu m'as sauvé la vie"
que j'avais mis en scène il y a une quinzaine d'années,
pour la fin de la saison et que je jouerai avec Jean-Pierre
Castaldi. Et puis, mon dernier livre, "L'art et la technique
du comédien" est sorti il y a un mois, que je suis
en train de promouvoir et qui marche bien.
Ce livre s'inscrit-il dans l alignée des deux précédents
qui constituaient deux volumes autobiographiques ou s'inscrit-il
dans un registre un peu différent du fait de son titre
? Jean-Laurent Cochet : Il peut être considéré
comme une suite car tout ce qu'il propose sur le métier
se situe au cœur de la suite de souvenirs, de vie au quotidien
de tout ce qui peut accompagner le métier avec des propos
beaucoup plus libres peut-être encore, mais le cœur
du livre concerne le travail que j'ai fait sur des personnages
emblématiques du théâtre français
parmi les rôles que j'ai joués, que j'ai mis en
scène ou que je connais le mieux qui, en général,
ont été présentés, à mon
avis, avec le moins de fidélité à l'auteur.
Il y a tout une série de portraits qui vont du Misanthrope
à la Parisienne en passant par des personnages de Musset,
Marivaux, Giraudoux qui est la partie la plus spécialement
sur l'art et le métier du comédien.
Le reste est une mosaïque de sensations,
de propos, que j'ai composée avec Jonathan Ryder qui
est un de mes anciens élèves, un jeune metteur
en scène, réalisateur de courts métrages
et romancier dont le premier livre est en bonne voie, à
partir d'entretiens ; ce qui rend toujours les choses très
libres, sans contrainte, très spontanées, et le
travail s'est fait ensuite par transcription de sa part et corrections
de la mienne et tout cela entraînait vers d'autres sujets
au gré des questions et des échanges. Les choses
se retrouvant toujours à la suite de ce que j'ai pu écrire
dans les deux premiers tomes mais avec pas mal de choses nouvelles
de nouveaux aperçus et il peut se lire indépendamment.
Les gens qui l'ont lu le ressentent comme allant vers d'autres
horizons.
Vous avez évoqué quelques auteurs
dramatiques dont Henri Becque et Marivaux qui sont des auteurs
qui figuraient à l'affiche des dernières Master
Classes qui constituent le fil rouge de nos entretiens. Je vous
propose de parler d'Henri Becque que vous citez souvent en raison
de la spécificité de son écriture et de
la difficulté à être bien joué sur
scène.
Jean-Laurent Cochet : Henri Becque est effectivement
un auteur très difficile à jouer; cela étant
tout est difficile quand on veut être fidèle justement
à un ton, à un style. On peut jouer une pièce
de Guitry et cela ressemble à tout sauf à du Guitry.
Pareil pour Becque et pour tous les auteurs qui ont un style
qui leur est très personnel un rythme une cadence, un
esprit une respiration. Becque c'est une espèce de plaque
tournante. Il est complètement solitaire on peut, parce
que c'est la même époque et qu'il y a un même
minimalisme comme on dirait maintenant une même précision,
une même rigueur dans l'écriture on peut le rapprocher,
sous certains aspects de Jules Renard. Mais avec une grande
différence car il faut les mêmes qualités
pour jouer les deux auteurs mais les colorations les résonances
sont un peu différentes.
Si on envisage en gros, en très gros,
que l'âge classique s'est prolongé du 17ème
siècle jusqu'à Regnard et Lesage et le 18ème
siècle qui l'a prolongé mais sans beaucoup d'auteurs
théâtraux il y a eu Marivaux et avec lui on arrive
au premier auteur moderne le premier à mettre sur scène
les mêmes personnages les mêmes situations dans
des conditions, dans des atmosphères, dans des lieux
beaucoup plus prosaïques et quotidiens avec une préciosité
de bon aloi. Il a été immédiatement suivi
par Beaumarchais puis par cet espèce de maelström
des romantiques qui ont envahi la scène dont il ne reste
pas tellement de chose car le théâtre de Hugo est
très imparfait, très boiteux, il y a de grandes
œuvres mais s'il n'avait fait que son théâtre
il n'aurait pas laissé le nom qu'il a laissé.
Et puis ensuite il y a Henri Becque qui est
aujourd'hui essentiellement connu par une pièce "La
parisienne". Il a cependant écrit d'autres oeuvres
dont des pièces en un acte qui ne sont pas toutes beaucoup
jouées, le plus ciselé, le plus parfait étant
"La navette". Mais sinon il n'a écrit, en pièce
plus longue, que "Les corbeaux" d'humeur assez cruelle,
assez noire et puis, surtout, avant tout, cet espèce
de chef d'œuvre qui domine tout le théâtre
- on a envie de dire presque de tous les temps du moins en France
- qu'est "La parisienne".
C'est une œuvre très difficile
à cerner parce que, censée se rattacher à
un théâtre bourgeois, cela ne l'est pas du tout.
Ca a presque l'épure d'une tragédie, c'est une
eau forte, c'est écrit vraiment au scalpel. Il décortique
les sentiments, les caractères, les situations, ça
ne ressemble à rien de ce qui a l'a précédé.
Après, beaucoup de gens se sont, sinon inspirés,
du moins ont été influencés mais personne
n'a atteint cette espèce de perfection absolue. N'y aurait-il
eu que "La parisienne", n'aurait-il écrit que
cela, c'est l'œuvre absolument parfaite. C'est sans doute
l'œuvre qu'il a voulu écrire, parce que il y a de
bonnes pièces, des choses de qualité parmi d'autres,
mais c'est comme au cinéma quand on se rend compte qu'un
film n'est pas seulement bien fait mais un film d'auteur c'est-à-dire
qu'il est exactement le reflet de ce que l'auteur a voulu faire
- et pas seulement une œuvre distrayante - mais le reflet
de son intention, de son inspiration, de sa volonté -
et Becque c'est, au mot à mot, la perfection.
Alors
c'est très difficile pour les comédiens : il faut
une très grande finesse - mais pas une finesse légère
- une finesse très aigue de rapace - c'est écrit
avec des serres plus qu'avec des plumes d'oie. C'est cruel et,
en même temps, très douloureux et c'est étonnant
qu'on puisse rire tant à une pièce qui a presque
les vertus d'un vaudeville à certains moments car il
a un humour incroyable, un humour noir pourrait-on dire. Mais
il connaît tellement bien le cœur humain il se joue
de tous ses sentiments et personne n'est épargné,
ni les hommes, ni les femmes, ni les maris, ni les amants qui
sont des espèces de seconds maris. C'est un univers jamais
méchant alors qu'il y a de la griffe, peut-être
parce qu'il y a justement derrière de la tendresse, de
la blessure.
Il est complètement à part dans
le répertoire et il a été rarement bien
représenté depuis un certain temps. Parce que
à l'époque où il l'a créé,
et par des gens qui l'ont tout de suite suivi, les comédiennes
(et par les comédiens, mais les rôles d'hommes
y sont un peu moins complexes), parce que les comédiennes
étaient très proches de ce ton, de ce style là.
Elles en avaient justement, que ce soit Madame Simone ou Madame
Bovy, l'intelligence, la griffure, et en même temps l'émotion
sous-jacente, ce style presque à la japonaise : la plume
gratte le papier et les mots, en sortant de la bouche arrache
un peu le cœur au passage. Elles avaient cela et en même
temps beaucoup d'humour ce qui fait partie des qualités
qui se sont évaporées avec temps. Et pour les
représentations qui ont suivi il y a eu, dans les années
50, Lise Delamare qui a très bien joué le rôle
et puis c'est à peu près fini. Quand je l'ai monté
j'ai eu la chance d'avoir Michèle André qui a
été remarquable.
Les femmes sont tentées par ce rôle,
naturellement, parce qu'on en a beaucoup parlé, parce
que c'est un beau rôle qui est tout le temps là,
mais ce n'est pas une raison, et ensuite, on peut se demander
ce qui a pu les tenter parce qu'elles y sont très banales
ou très pâles ou très extérieures.
C'est un personnage qui exige de partir d'une intériorité
très profonde. C'est un personnage qui comme on le dit
dans d'autres pièces, c'est Jean Sarment qui avait utilisé
le premier cette expression, a un ramage qui est trop grand
pour elle. C'est une petite bourgeoise et elle a des sentiments
qui dépassent cela, qu'elle est forcée de contraindre
à cause de sa vie sociale et de sa vie privée.
Elle éprouve à peu près
tous les sentiments qu'il y a à travers tous les rôles
féminins du répertoire. Il y a du Racine en elle,
du Corneille un peu aussi dans cette manière de mener
ses affaires et même ses affaires de cœur, il y a
un romantisme qu'elle s'oblige à étouffer, mais
qui est bien présent, et c'est peut-être des méandres
de Marivaux dont elle serait la plus proche mais avec une couleur
qui ressemble au nom de l'auteur "Becque". C'est exactement
cela. Je cherche en vous parlant dans le théâtre
étranger, et non, il n'y a pas cette griffure, cette
souffrance qui brave à la fois les interdits, la plainte,
les personnages qui dominent toutes les situations. Il a vraiment
écrit là un chef d'œuvre;
Vous disiez que nombre de comédiennes s'était
essayé au rôle. Y a-t-il aujourd'hui une comédienne
connue ou en devenir qui pourrait interpréter ce rôle
?
Jean-Laurent Cochet : Aucun nom ne me saute à l'esprit.
Les femmes même les plus féminines et les plus
aiguës n'ont pas cet ensemble de qualités. Il faut
tellement de couleurs. Et puis dans l'exécution, dans
l'interprétation en tant que comédienne, il faut
une telle autorité et, en même temps, beaucoup
de grâce sans alanguissement…non, je n'en vois pas.
Et je ne pense pas faire un gros oubli. Isabelle Adjani a complètement
dépassé cela, elle va maintenant vers les Magnani,
vers des rôles puissants, Isabelle Huppert non plus. Et
puis, quand on trouve, chez des interprètes modernes,
un rythme ou un style qui pourrait convenir et bien, la féminité
ne correspond pas à celle de ces auteurs là. Il
a de l'alanguissement, il n'y a pas de tenue, il n'y a plus
vraiment de classe, il n'y a plus de vraie féminité
en définitive.
La femme de Henri Becque existe-t-elle encore ?
Jean-Laurent
Cochet : Elle doit encore exister dans certains milieux, derrière,
ou en dépit, ou à travers une certaine mondanité
parmi des mondaines moins snobs et moins bêtes que d'autres
qui vivent ce carcan de leur vie sociale avec des volontés
d'abandon. Mais l'amour, enfin ce qu'on appelle l'amour, est
devenu tellement accessible ou banalisé. Le destin de
cette femme était d'être une amoureuse mais elle
a été contrée par son temps et par la société
dans laquelle elle vivait. On retrouve en elle ces vocations
d'amoureuse comme il y a dans Racine, Marivaux, dans Musset,
telle Camille dans "On ne badine pas avec l'amour"
qui se sent vouée à un don absolu et qui si elle
ne trouve pas l'homme à qui elle devra consacrer toute
sa vie elle la consacrera à Jésus.
Il y a cela dans les jeunes premières
exigeantes de Marivaux chez qui il n'y a aucune femme mariée
: il n'y a que des vierges que l'on va marier ou des veuves.
Elles sont dans une lignée d'ambition sensorielle et
sensuelle qui n'existe plus. Si je voulais être très
tranchant, bêtement systématique je dirai que c'était
l'époque où on aimait et que maintenant c'est
l'époque où on baise. D'ailleurs, dans le théâtre
contemporain, il n'y plus aucune pièces d'amour. Il y
a éventuellement des pièces dans lesquelles on
bavarde de manière ennuyeuse, je t'ai trompé,
tu m'as trompé, c'est lui ton amant, qui n'intéressent
absolument personne Mais ce n'est rien. Ce ne sont que des propos.
Puisque vous venez de l'évoquez et qu'il s'agit d'un
auteur qui est souvent présent dans vos Master Classes,
pouvez-vous nous parler de son œuvre et des difficultés
inhérentes à l'interprétation de son théâtre
?
Jean-Laurent Cochet : C'est un peu comme pour
Becque mais avec, peut-être, un peu plus de possibilités
que différents interprètes s'y emploient parce
que la femme de Becque, c'est Clotilde Du Mesnil. Mais dans
Marivaux, il y a les toutes jeunes ingénues, les ingénues
peut-être pas libertines mais qui commencent à
se révolter, les jeunes premières au moment où
on va les marier et puis les femmes qui ont été
mariées, les veuves, des bourgeoises en quête d'une
seconde union et les mères. Et il y a tous les âges,
avec des personnages plus âgés qui ont tous les
traits des personnages de Marivaux avec 20 ou 30 ans de plus.
Ce sont toujours les mêmes phénomènes d'amour
charnel mêlé là aussi à certains
problèmes de sociétés et de fierté
qui viennent s'y mêler. C'est difficile à jouer.
Une petite ingénue charmante, qui a
de jolis moyens, qui est douée et qui est juste, peut
aborder une Angélique de Marivaux sans trop de problèmes.
Il faut naturellement qu'elle en ait l'émotion, la grâce,
et c'est là que ça commence à être
difficile, il faut qu'elle soit habituée à marcher
avec d'autres choses que des bottes ou des baskets, il faut
qu'elle ait une tenue, que, sans avoir besoin de corset, elle
se tienne droite. Ca disparaît quand même énormément.
Grâce au ciel il y en a ; moi-même j'en ai quelques
unes au cours, en ce moment, qui ont de la tenue, de la féminité,
de l'acuité, en même temps, de la grâce et
de la légèreté mais il y a plus de Bosch
que de Marie Laurencin. Les rôles les plus difficiles,
les plus riches les plus nuancés et irisés, ce
sont les « femmes » c'est-à-dire les Araminte
et, en particulier, celle des Fausses confidences. C'est le
modèle-type de la grande jeune premier-rôle de
Marivaux.
Mais il y aussi beaucoup de travestis. Dans
"La fausse suivante", le rôle du chevalier qui
est une femme, et dans "Le triomphe de l'amour", qu'avait
si bien joué Maria Casarès, sont des rôles
diaprés qui font appel à de nombreuses couleurs.
Il nuançait si bien tous ces sentiments, il les fignolait,
les chantournait. Alors il ne faut surtout pas tomber dans la
minauderie, ni dans l'afféterie, et, en même temps,
il faut beaucoup d'élégance, de distinction et
beaucoup de grâce : on y revient toujours.
Les rôles d'hommes dans Marivaux sont
également difficiles car ce sont des amoureux qui annoncent
un peu les personnages romantiques mais qui sont plus proches
- c'est le même siècle - du 18ème anglais.
Autant je ne trouve pas d'équivalent pour Becque dans
le théâtre universel, autant pour Marivaux, il
y a tous les personnages des romans du libertinage anglais comme
Tom Jones.
Et puis, il y a toute la palette des sentiments
féminins. J'ai évoqué les ingénues,
les femmes, mais il y aussi les soubrettes : il y a tout un
arc-en-ciel de la petite soubrette drôle charmante qui
se contente de faire bien son service, la soubrette qui a une
autre dimension qui peut aller jusqu'à prendre la place
de sa maîtresse quand l'intrigue se complique et les soubrettes
maîtresses du jeu, comme dans Mozart. Il y a une galerie
de figures de femmes absolument extraordinaire. Il faut beaucoup
d'intelligence, de la délicatesse… et il n'y en
a plus beaucoup. J'ai eu la chance, la dernière fois
qu'on a joué "Les fausses confidences", d'avoir
Catherine Griffoni qui est certainement la dernière de
cet emploi-là à l'être réellement
et à connaître son métier surtout.
Car je ne parle pas des gens qui représenteraient
cela si on les prenait en photo et qui seraient ensuite incapables
de soutenir un rythme, un mouvement, la progression d'un parcours.
Marivaux est un auteur très difficile à jouer
et c'est pourquoi je continue mon travail d'enseignement, parce
qu'il faut absolument en former, car sinon c'est en voie de
disparition. Et c'est pour cela que les gens se permettent tout
car en plus ils jouent ce qu'ils mettent en scène devant
des publics qui n'y connaissent rien donc qui ne savent pas
que cela aurait pu être monté autrement, c'est
pourquoi pour continuer à les jouer - et on se demande
bien d'ailleurs pourquoi puisqu'ils les défigurent, on
ne voit quel est leur plaisir de jouer le rôle à
l'envers en le tirant vers le bas. Au lieu de rester dans Watteau
on se retrouve dans… je ne sais pas je ne les connais
pas …Disons que, quand par hasard on leur laisse les costumes,
ce qui déjà est très rare, ce sont des
Watteau qui sont passés par un tsunami.
Avez-vous vu "Les fausses confidences" monté
par Didier Bezace au Théâtre de la Commune ?
Jean-Laurent Cochet : Non.
Irez-vous les voir ? Jean-Laurent Cochet : Non. Je vais de moins
en moins au théâtre car j'en sors à chaque
fois trop déçu. J'allais dire amer, mais non,
pas amer, je ne crois pas l'avoir souvent été,
mais plus jamais - ce n'est pas un sentiment qu'on accorde comme
ça à n'importe qui - mais trop ennuyé surtout,
quand il ne faut cesser de regarder sa montre sans arrêt
ou ne pas la regarder et puis sortir, car ce n'est pas pour
cela qu'on va au théâtre. Grâce au ciel,
il y a suffisamment de choses, en ce moment, merveilleuses au
cinéma, pas françaises malheureusement, pour se
passer du théâtre. Vous savez le théâtre,
si on n'en sort pas régénéré, comblé,
joyeux, satisfait, la rate en bon état, l'esprit libre,
ouvert aux autres, ce n'est pas la peine.
Si c'est pour assister à la conception
de Monsieur Untel pour tel rôle, la conception de tel
metteur en scène pour tel personnage, cela ne m'amuse
plus. J'ai assez donné car cela fait un moment qu'a commencé
la mode des représentations"prétextes"
à des meetings politiques ou des représentations
érotico-socialo-je ne sais quoi. Je laisse les gens qui
s'y égarent encore me dire de temps en temps "Surtout
ne va pas là tu seras trop malheureux". Alors je
n'y vais pas, mais je n'avais pas tellement, avant, l'intention
d'y aller, surtout quand on entend un ou deux échos :
on n'a pas envie d'aller voir "La ronde" ce chef d'œuvre
tel qu'il est représenté en ce moment avec des
gens à poil C'est n'importe quoi, c'est la grande débandade.
Alors qu'au cinéma, il y a un professionnalisme !
Ah j'ai tort d'avoir l'air de négliger
les français car il y a le film réalisé
par Richard Berry que j'ai vu en avant-première et qui
est une grande réussite, "L'immortel", une
espèce de thriller sur un personnage réel qui
vit encore, qui avait été transpercé de
vingt deux balles de mitraillette et qui s'en était sorti.
C'était un mafioso marseillais et le film est l'histoire
de sa vengeance. C'est fait avec, d'abord, beaucoup de goût,
beaucoup d'intelligence, c'est très violent sans être
complaisant, ce n'est pas de la violence gratuite, c'est toujours
en situation. Il a merveilleusement dirigé les comédiens
- Jean Reno est exceptionnel - et on suit l'intrigue du début
à la fin avec un grand intérêt. C'est toujours
renouvelé et on pourrait dire un peu à l'américaine,
avec le talent des grands réalisateurs américains
ou au moins anglo-saxons. Il y a des merveilles au cinéma
en ce moment.
Parlons donc cinéma. Jean-Laurent Cochet : Revenons sur un film
français, un téléfilm qui est une parfaite
réussite "La journée de la jupe" avec
Isabelle Adjani. C'est un très très beau film
et Adjani est absolument somptueuse. C'est admirable. Elle a
pris là un tournant, un virage et elle est d'une puissancen
d'une abondancen d'une véracité, elle est extraordinaire.
Voyons,
ensuite, il y a une merveille de film qui ne passe que dans
un cinéma à Paris, l'Arlequin, "Douze"
de Nikita Mikhalkov, dont le titre n'est pas très bon
et il faut préciser qu'il s'agit d'une version russe
de "Douze hommes en colère". C'est un chef-d'œuvre,
et c'est dire car le film de Sydney Lumet était un film
de qualité surtout en raison des interprètes dont
Henri Fodna qui était sublime Lee J. Cobb, Martin Landau.
Dans "Douze" la troupe russe est bouleversante. C'est
du grand théâtre en même temps, puisque c'est
un huis clos. Ca venge un peu de la production qui a eu lieu
il y a quelques temps à Paris. Car mon Dieu, à
part deux comédiens le merveilleux Pierre Santini et
le charmant vieil André Thorent…
Parmi les films américains, il y a celui
qui a valu l'Oscar à Jeff Bridges "Crazy heart"
de Scott Cooper qui est un beau film sur un vieux chanteur de
country avec de jolies intrigues autour de ce personnage. Et
deux films merveilleux. "I love you Philipp Morris"
de Glenn Ficarra et John Requa avec Jim Carrey, qui est plus
étonnant que jamais - quand je pense qu'on l'avait catalogué
dans la catégorie des grimaciers car il en fait mais
il ne fait pas des films qu'avec son visage mais avec son corps
entier, c'est vraiment un homme caoutchouc - mais c'est un homme
d'une émotion, d'une sensibilité, d'une profondeur,
d'une intelligence… et il a un partenaire merveilleux,
Ewan McGregor, qui joue également dans le film de Roman
Polanski, "Ghost writer", qui vient de sortir mais
que je n'ai pas encore vu. Je ne suis pas très tenté
par Polanski mais j'irai volontiers pour voir ce comédien.
Et un autre merveilleux film "The single
man" de Tom Ford avec Colin Firth, superbe comédien
qui avait tourné dans un film qui était l'adaptation
d'un roman anglais de Jane Austen qui s'appelait "Orgueil
et préjugés" de Joe Wright. Dans "The
single man", il est entouré de très bons
jeunes comédiens et la merveilleuse comédienne
américaine Julianne Moore qui ne fait que des choses
de qualité. On peut être sûr que quand elle
joue le film ne sera pas inintéressant. Il y a également
le fabuleux "Invictus" de Clint Eastwood qui, à
mon avis, va encore plus loin que son film précédent
"Gran torino".
Ce qui me frappe dans tous ces films, que ce
soit à travers une liaison homosexuelle ou l'aventure
de Mandela, c'est que tous pourraient être catalogués
comme des films d'amour, en définitive. C'est cela qui
les soutient, comme dans les grands répertoires. C'est
qu'il y a toujours à la base de leurs intrigues et de
la situation, de leur mouvement, un sentiment puissant, parce
que je n'appelle pas amour seulement des trucs de "baise"
ce qu'on a contraint, enfin elle a bien voulu, la merveilleuse
Kristin Scott-Thomas à faire l'année dernière
dans un film devant lequel on est comme des voyeurs, on a honte
et puis en plus le film n'est pas bon. Je parle de l'amour comme
ressort entre les êtres, au delà des échanges
physiques, quand on est ému en regardant un film, qu'on
ne s'ennuie pas, d'abord, c'est très important et déjà
extraordinaire, un film qui raconte une histoire avec une intrigue
à suivre et qui nous touche au cœur.
Il y a eu, avec de grosses faiblesses, de bonnes
choses dans "Le concert" de Radu Mhaileanu dans lequel
les comédiens russes sont extraordinaires, les français
un peu moins, et puis il y a Tchaikovsky tout le film, c'est
déjà un atout. Je citerai également un
film un peu plus ancien, "Inglorious bastards" de
Quentin Tarantino, qui est du grand cinéma avec une pléiade
d'acteurs fantastiques dont un acteur autrichien exceptionnel
qui vient de recevoir l'Oscar du meilleur second rôle
Christoph Walz et qui avait reçu pour ce rôle le
Prix d'interprétation masculine à Cannes en 2009.
On peut être déçu par un film américain,
il y en a même sûrement de très mauvais qui
ne sortent pas toujours en France, mais, quoi qu'il en soit,
il faut constater que les films américains sont toujours
réalisés avec un grand professionnalisme. Et puis
il y a le dernier Woody Allen "Whatever works" et
il faut bien y revenir, car on en revient toujours à
lui, qui est une merveille.
C'est comme cela qu'on peut continuer à
prendre des leçons, nous tous, et puis les jeunes. Je
voudrai mentionner également, j'en ai beaucoup parlé
au derniers cours, dans ce désert - on dit toujours que
j'exagère quand je dis cela mais il n'y a qu'à
feuilleter Pariscope page après page ce n'est pas exaltant
– donc, dans ce désert qu'est le théâtre
français, si on est un peu exigeant et qu'on ne s'en
tient pas à des propos banals et à des bavardages
insipides, il y a deux soirées qui m'ont enchanté
récemment. Une dans le burlesque avec la troupe de Patrick
Haudecoeur dans "Thé à la menthe ou t'es
citron" qui se joue au Théâtre Fontaine et
qui est une soirée de bonheur comme tout ce qu'il a fait
jusqu'à présent. Il est le seul en France à
avoir retrouvé cette veine qui était celle des
Branquignols et là, il va encore un peu plus loin en
se rapprochant des burlesques américains. C'est irrésistible;
C'est le théâtre dans le théâtre avec
les répétitions ridicules d'une pièce ridicule
qui est jouée en seconde partie et dans laquelle tout
s'effondre, c'est le naufrage, c'est Hellzapoppin et les gens
hurlent de rire surtout à la seconde partie. Ca fait
du bien.
Et puis une très grande soirée,
un peu inattendue parce qu'on pourrait ne pas s'imaginer qu'il
irait jusqu'à ce point-là, c'est le spectacle
"Liberté surveillée" de Stéphane
Guillon où il y a, grâce au ciel parce qu'il y
est merveilleux de méchanceté joyeuse, d'insolence,
des sketches où il met en boîte et en bouteille
tous ceux qui le mérite d'ailleurs, c'est mon avis personnel.
C'est irrésistible, c'est à la fois au vitriol
et avec une espèce de charme car il est tellement délicieux
lui-même. Cela va vers le grand pamphlet et puis surtout
- et c'est la raison pour laquelle j'aimerai que les gens y
aillent et y vont puisque c'est complet - on découvre
quel grand comédien il est parce que - après les
premiers sketches qui sont de sketches de lui que l'on connaît
et pour lesquels il faut être comédien, un peu
comme Laurent Gerra, il y a comme des pièces en un acte
qui se succèdent en partant d'un sujet qui peut être
un sujet d'actualité ou un sujet de société,
mais qui prennent une dimension !, et le spectacle se termine
avec un dialogue qu'il a avec Dieu.
Et c'est superbe car cela devient vraiment
du théâtre. Ce ne sont pas seulement des sketches,
ce n'est plus seulement l'amuseur, Dieu sait qu'être un
amuseur à notre époque ce n'est pas facile car
on est mêlé à tout autre sorte de chose,
et il a une intelligence ! On en revient toujours aux mêmes
qualités que les gens n'ont pas ou quand ils les ont
c'est ce qui fait leur apanage. C'est un merveilleux comédien,
Stéphane Guillon, et il faudrait qu'il revienne au théâtre
car il est prêt à jouer des tas de rôles
et de personnages différents. Il est très exceptionnel;
Alors on peut quand même avoir de bonnes soirées.
Et puis j'ai eu l'occasion de voir un montage
en lecture, une lecture revisitée par Franck Bertrand,
"Quand Proust nous emmène à la recherche
de ses héros", où ils sont huit comédiens
autour de l'œuvre de Proust - il y a d'ailleurs pas mal
de spectacles autour de Proust en ce moment à croire
que les gens le découvrent - que je veux absolument citer
pour deux comédiennes : Catherine Morin et on retrouve
Dominique Blanchar. C'est l'enchantement qu'elle lise Madame
Verdurin ou quoi que ce soit d'autre de l'œuvre. Là,
nous avons la grande musique classique.
Revenons aux auteurs du répertoire, et comme vous venez
de parler de ce sentiment puissant qu'est l'amour, remontons
le temps pour retrouver deux auteurs qui ont su écrire
sur l'amour et qui étaient à l'affiche de vos
dernières Master Classes : Racine et Corneille. Jean-Laurent Cochet : Là, vaste sujet
! Comment pourrait-on dire pour ne pas tomber dans les sujets
bateaux ?. Un petit peu, vous allez me comprendre, comme quand
on parle d'auteurs comiques on cite Feydeau-Labiche qui font
rire tous les deux mais qui n'ont absolument aucun rapport,
car ce n'est pas la même époque, ni le même
ton, ni le même style, ni le même esprit et ils
n'ont rien en commun sauf le génie. Il en va de même
pour Racine et Corneille qui, bien sûr, eux, étaient
contemporains, mais je ne pourrai jamais, et pour cause, en
parler aussi bien que Robert Brasillach pour Corneille et que
Charles Péguy pour Racine - qui ont su faire comprendre
qu'on était bien loin de l'amour et de l'honneur lénifiants.
Racine
et Corneille n'ont aucun point commun et ce qui a d'extraordinaire,
c'est qu'il y a, et cela est à mon avis tout à
fait involontaire, sans volonté d'imitation de l'un par
rapport à l'autre, ni d'influence de l'un sur l'autre,
mais seulement ils manient les vers classiques, mais ce qui
est amusant quand on connaît leur pièces par cœur
- et ça fait un bout de temps que je les connais par
cœur - il y a dans Corneille qu'on croit le personnage
plus oratorien plus rhétoricien avec moins amour mais,
à mon avis il y en a, souvent même beaucoup plus
et un amour beaucoup plus profond et violent que dans Racine.
Parce que s'il n'y avait dans Racine que l'amour
qu'on appelle le tendre amour ça pourrait être
un peu sucré dans certains de ses personnages alors qu'il
y a dans Racine beaucoup plus de cruauté, de véhémence
qu'on ne l'imagine et dans Corneille beaucoup plus de tendresse
d'élégance et de délicatesse qu'on ne le
pense.
C'est-à-dire que l'œuvre de Corneille
est tellement riche… Racine n'a certes pas toujours écrit
la même pièce, c'est très varié aussi,
même si on laisse de côté "Esther"
et "Athalie", il y a une grande diversité dans
les caractères mais la musique est j'allais dire toujours
la même - quand c'est du Mozart tant mieux on ne s'en
plaint pas et quand c'est du Racine encore moins - mais c'est
le même chant avec beaucoup de registres, de tessitures
différentes. Et puis il faut rappeler qu'il y a dans
Racine le sens de la couleur, et c'est l'occasion de rappeler
un mot merveilleux de Madame Bovy. A une époque bien
reculée où la radio était encore passionnante,
il y avait une émission d'André Gillois qui s'appelait
"Qui êtes-vous ?" dans laquelle il avait réuni
un aréopage extraordinaire composé de Madame Simone,
Emmanuel Berl, Jean Oberlé et d'autres personnalités
pour un jeu qui consistait à poser le questionnaire de
Proust à une personnalité, qui était des
gens passionnants comme Louis-Leprince Ringuet, Simone Signoret,
Madame Bovy, des grands auteurs, des peintres etc…, qui
était dans un autre studio afin de deviner son nom.
Et les réponses de Madame Bovy à
ce questionnaire étaient merveilleuses parce que profondément
sincères, comme toujours car elle connaissait son bagage
si j'ose dire, mais en même temps originales, toujours
plus subtiles, plus inattendues. Cela m'avait beaucoup frappé,
et Dieu sait que j'étais très jeune à l'époque,
quand on lui avait demandé son musicien préféré,
elle avait répondu Verlaine, et, pour son peintre préféré,
elle avait répondu Racine. Et je ne sais pas si je m'en
serai jamais rendu compte si elle n'avait pas attiré
mon attention là-dessus, à quel point le peintre
chez Racine est d'une rare puissance avec des coloris insensés
dans lequel il y a Géricault, Gustave Doré, Rembrandt,
tout ce qu'on veut. Je pense particulièrement à
la tirade, il y en a bien d'autres, à la grande réplique
d'Andromaque parlant du siège de Troie dans laquelle
on voit la couleur des péplums, des cuirasses, des chevaux
le feu. Les coloris chez Racine sont extraordinaires.
C'est un peu plus en marbre chez Corneille
mais un marbre où le sang circule comment disait Cocteau
dans "La machine infernale" "invisible et majestueux
comme la circulation du sang des statues". Et ce qui est
amusant surtout, quand on est beaucoup axé comme moi
en ce moment sur l'affaire Corneille-Molière, des auteurs
avec qui je vis et que j'entends tous les jours et avec une
telle proximité que l'on se dit "Oui il ne faut
pas chercher bien loin ça c'est Corneille, en revanche
ça, ça doit être du comédien Molière
qui a explosé et puis, hop !, nous envoie un sketch à
la Devos, et passionnant est de retrouver ce qui appartient
à l'un et à l'autre dans ce travail collégial
qui se faisait sans doute beaucoup à l'époque,
ce dont personne ne s'étonne. Certains s'étonnent
que Corneille se soit caché et bien oui, puisqu'il ne
fallait surtout pas qu'on sache qu'il faisait cela étant
donné ses relations avec les puissants, et trop heureux
de gagner l'argent qu'on lui avait repris en lui supprimant
sa retraite, et c'est là qu'on sent ce qui circule entre
eux en dépit de leur différence.
Pour en revenir à Racine j'ai toujours
tenté l'expérience, et j'ai toujours gagné
mon pari pour ce vers-là en particulier, parce qu'il
est sublime, quand je le cite en demandant l'auteur. Ils ne
peuvent que reconnaître une tragédie française
du 17ème siècle bien sûr. Ce vers est celui
d'une dame à qui on dit qu'elle perd son amant que c'est
la catastrophe et que tout va mal, que règnent l'horreur
et la mort et dont on s'étonne qu'elle ne pleure pas.
Et elle répond "Non, je ne pleure pas madame mais
je meurs". Et elle meurt. Tout le monde répond Racine
alors que c'est un des derniers vers de "Suréna"
de Corneille. Il y a comme ça quelques fois des croisements,
des interférences qui sont bouleversants parce que d'un
génie à l'autre comme s'ils se repassaient non
pas "passe moi la rhubarbe je te passerai le séné"
mais cette petite phrase.
Il y a beaucoup plus d'amour chez Corneille
qu'on ne le croit. C'est moins étonnant quand on compare
ses œuvres avec quelquefois de passages entiers dont on
se dit que c'est dans "Le misanthrope" quand on fait
la comparaison avec Molière et les premières pièces
de Corneille qui pour être plus légères,
pour la plupart, sont toutes des pièces d'amour même
"Le menteur". Il y a des intrigues qui sont des comédies
plus vives, plus prestes, qui justifient qu'il ait écrit
"Amphitryon" et autres sous le nom de Molière.
Mais dans des pièces comme "Mélite",
"La suivante", "La place royale" c'est un
amour qui n'a rien à voir avec "Tu as tué
papa je ne t'aimerai plus" qui était une caricature.
L'amour chez Corneille est d'autant plus fort qu'il est contrarié
par l'individu même qui l'éprouve. Dans Racine
ce sont les contingences, les circonstances extérieures,
le Sénat, Rome, qui oblige Bérénice à
retourner chez elle.
Tout cela est génial ! Génial
! Justement quand au cours la petite Bérénice
a donné "Bérénice", alors que
c'est une petite gamine de 18 ans et demie qui est faite pour
jouer les petites bonnes femmes de Marcel Aymé, a travaillé
cela et elle a bien fait parce que cela apporte énormément
et qu'elle a révélé de l'émotion
et une belle diction des vers, et cette grande scène
du IV entre Bérénice et Titus en train de s'arrêter
après chaque vers comme on fait un arrêt sur image,
comme on voit un film de Garbo, et on regarde, et c'est le mouvement
qui est entretenu par la fixité de l'image, et c'est
incroyable, à aucun moment, ça ne se statufie. On peut s'arrêter après chaque vers de Racine et
ça continuerait à vivre, à chanter, c'est
du Gluck. Toute cette scène, c'est bouleversant parce
qu'on dit : "Oui c'était un homme d’alors
il avait sa perruque, il l'a retiré peut être ce
jour-là parce qu'il avait trop chaud, sa plume d'oie
qui crachait un peu et, pendant ce temps-là, il empoisonnait
la Du Parc et faisait l'historiographe auprès de Louis
XIV. Et puis il écrivait "Que le jour recommence
et que le jour finisse sans que jamais Titus puisse voir Bérénice".
On ne sait plus si c'est une volonté de dire voilà
je vais utiliser des monosyllabes, et tel rythme, ça
créera telle émotion, on ne sait plus. C'est le
génie à l'état pur. En tout cas, c'est
bien agréable d'avoir consacré sa vie à
tout ça. |