Ce bon vieux Matthieu Malon (comme disaient ses amis des trop vite disparus Ginger Ale) est de retour, pour notre plus grand plaisir. Après un album électro, un second centré sur de riches collaborations, Laudanum se rappelle, à grand renfort de guitares, à nos (très) bons souvenirs, avec un Decades bruitiste et incisif.
Il est parfois certains artistes pour lesquels on ressent une affection particulière, indéfectible ; un attachement né d’une rencontre musicale fortuite au détour d’un album acquis négligemment sur un stand de merchandising d’un festival malouin (pour ne pas le nommer)… et qui se révèle être une véritable pépite.
Ce fut le cas pour le sous-estimé System:on de Laudanum, paru en 2002 sur l’excellent label Monopsone (abritant aussi Erik Arnaud, Klima, The Fatales, pour ne citer qu’eux). Un mélange d’électronique, de boite à rythmes, une atmosphère organique, des voix synthétiques et le début d’une belle histoire.
Laudanum, c’est le pseudonyme de Matthieu Malon, lorsqu’il délaisse ses bluettes françaises pour laisser libre cours à son imaginaire électro-rock débridé en langue anglaise (unbridled, donc !). Son troisième opus, peut-être moins immédiat, s’apprécie au fil des écoutes (ne pas y voir une excuse un peu facile pour la livraison tardive de cette chronique, mais c’est la réalité !).
Après une introduction toute en douceur sur l’énigmatique "Drekjnd#1" (transition habile entre l’électro des deux premiers albums et le retour des guitares distordues), le ton est donné dès l’oppressant "Losing Focus" : la tension monte, le rythme s’accélère avant que les brides ne soient lâchées à mi-parcours pour un final explosif.
Ce début tonitruant fait malheureusement ressortir par opposition, les faiblesses de "We Are Not An Open Book" ; Laudanum est Français et comme pour la plupart de nos compatriotes qui se risquent dans la langue de Shakespeare, l’accent frenchie prononcé peut provoquer des réactions épidermiques chez les puristes… Autant ça passe sur les titres musclés, autant ça devient délicat sur les morceaux plus lents ("Dead Champions").
Pas le temps cependant de développer l’ombre d’un début de critique : la bombe survitaminée "Dopamine" (véritable point d’orgue de l’album) vient rapidement dissiper (dynamiter ?) les doutes ! Une rythmique envoûtante et l’alternance de plages calmes / noisy se chargent de remettre les pendules à l’heure.
L’alternance se poursuit tout au long de ce Decades imprévisible et jouissif : instrumentaux délurés ("Bada Bing", "Birth School Work Death"), souvenir des feu Boo Radleys ("No One Else On Earth") ou de Diabologum (les premières notes de " See You Around" rappellent l’atmosphère et l’anglais décomplexé des premiers albums, avant de s’enfoncer dans un territoire plus sauvage, moins balisé).
Je parlais en introduction d’affection indéfectible, je persiste et signe (un peu plus bas). Le plus dur étant d’attendre la prochaine livraison, parce que le bonhomme est du genre patient voire perfectionniste et sait se faire désirer ; sans parler de la scène où il ne fait que de trop rares apparitions… Pas de problème, pour reprendre le titre de son deuxième album Your place and time will be mine ! |