"Transsexuelle
et convertie à l'islam". Ce titre, qui sonne simultanément
comme une affirmation revendiquée d'une transidentité et une
profession de foi, annonce l'autobiographie de Alexandra
Cerdan, "entre autres auteur-compositeur et comédienne",
qu'elle a voulu "message d'espoir" et écrit assistée par la
plume de la journaliste Betty Peyrade.
Rédigée de manière relativement édulcorée, elle retrace un
parcours qui, à en juger par rapport aux témoignages de ces
homologues qui viennent sur la place publique, s'inscrit dans
le schéma classique de ce qui aujourd'hui ressortit au syndrome
de dysphorie de genre.
Née dans les années 60 de parents espagnols, au sein d'une famille modeste et nombreuse dont elle sera l'objet d'incompréhension, de moqueries mais également d'abus sexuels, elle relate son parcours d'être humain convaincu d'être née fille dans un corps de garçon, qu'elle perçoit au demeurant comme androgyne, qui devra attendre 2005 pour subir l'opération de la libération.
Entre-temps, s'écouleront des années de mal-être, de déprime,
de vie en dents de scie : fréquentation des milieux gays, découverte
de la scène avec des transformistes, rêves contradictoires de
midinette ("travailler, se dénicher un petit mari chéri, mener
une existence bien rangée" et devenir artiste), arrivée à Paris
dans les fameuses années Palace où elle atterrit rue Sainte-Anne, "le Tati des tantes", liaisons avec des hommes qui aiment
son ambiguïté apparente, vie de galères, d'expédients et de
projets avortés. Mais aussi de quelques succès confidentiels
dans le monde de la chanson qui l'amène, pour un temps, à s'accommoder
de son état pour privilégier sa carrière.
Puis, au hasard des rencontres, découverte de la tolérance
et du libéralisme de l'islam et début du long périple qui mène
à la vaginoplastie, car elle n'accepte pas la transidentité
avec simplement des caractères sexuels secondaires féminins,
effectuée à l'étranger dont le corollaire est la longueur de
la procédure de changement d'état civil en France, avant de
pouvoir enfin être appelée "Madame". Et de convoler en justes
noces avec un musulman praticant pour un happy end bien mérité
: "J'ai trouvé ma religion, mon mari et je vis ma vie sans me
culpabiliser d'être ce que je suis devenue. Une femme".
Si le récit ne verse jamais ni dans l'exhibitionnisme, ni
dans le prosélytisme, il revendique la liberté de choix et la
tolérance tout en faisant état quelquefois d'opinions et de
croyances parfois peu nuancées quand il tente d'élargir le propos
au-delà de ce qui est, et doit rester, de l'ordre du témoignage.
Ainsi, sur le sujet devenu sensible du port du voile, elle
indique que cela lui arrive de sortir avec le hidjab - c'est
d'ailleurs ainsi qu'elle apparaît photographiée en une de couverture
- qu'elle considère comme "un accessoire de mode plus qu'un
signe religieux" dont le port n'est "pas contradictoire avec
le fait d'être une femme engagée, libre et coquette".
Sur l'aspect socio-juridico-politique du transsexualisme, elle critique sévèrement la législation française ("après avoir osé franchir la frontière des sexes, nous devenons au pays des droits de l'homme, des immigrées, condamnées à une vie précaire. Une vie de sans-papiers, sans domicile, sans emploi.") en louant le progressisme iranien tout comme la situation des femmes dans des pays comme le Maroc qui a reconnu juridiquement, au 21ème siècle, l'égalité de la femme et de l'homme.
Par ailleurs, elle se montre très radicale envers ceux qui ne sont pas représentatifs de la transsexualité "authentique", c'est-à-dire "les repentis tardifs" qui ont mené une vie conforme à leur sexe biologique avant de se reconnaître dans le sexe opposé, relayant la qualification de "transsexualité dite secondaire" qui relèverait du fétichisme et faisant ainsi, à son niveau, de l'intolérance qu'elle condamne même si elle s'en défend ("ce n'est pas de l'intolérance de ma part mais il ne faudrait pas que le transsexualisme devienne une mode."). |