Spectacle
de marionnettes écrit par Isabelle Martinez et Vincent
Legrand, mise en sècne de Martial Anton, interprété
par Isabelle Martinez, Fabienne Kienlen, Stéphane Deslandes
et Vincent Legrand.
Avec sa dernière création en date "Sakura", la Compagnie Le Théâtre des Alberts sis à La Réunion, qui, depuis 1994, oeuvre dans le théâtre visuel en explorant les arts de la marionnette, offre au public un spectacle aussi réussi et roboratif que troublant et qui, non seulement mêle avec bonheur et fluidité le théâtre d'ombres, le théâtre d'objets et le jeu d'acteur, mais y intègre la musique et l'image, sans que cela ressortisse à la posture du théâtre total, et s'inscrit incontestablement dans la sphère théâtrale .
Ce spectacle sous influences assumées, dont celle prégnante, au demeurant signifiée par son titre, venant du pays du soleil levant - l'écrivain Haruki Murakami pour le surréalisme et le photographe Zhang Zhang Peng pour son esthétique et son iconographie de lolita gothique - mais également celle du cinéaste Gus Van Sant pour sa construction avec une narration non linéaire qui, juxtaposant autant le passé et le présent que la réalité et la fiction, explore l'univers trouble et équivoque de l'adolescence et restitue avec justesse sa vision fragmentée et contigue du monde.
Le spectacle commence de façon dramatique par le suicide d'une
adolescente mais qui en l'occurrence relève du simulacre comme
exutoire à un état de malaise et au dangereux jeu des pulsions
de vie et de mort. Son 15ème anniversaire est le moment choisi
par Sara pour évoquer les affres récentes de sa jeune vie au
sein d'une famille où elle est devenue transparente aux yeux
de figures parentales trop préoccupées par leurs propres états
d'âme - un mère mélancolique qui ressasse un passé heureux et
un père reclus qui voue une passion exclusive aux oiseaux -
qui, chacun à sa manière, "brillent par leur absence".
Elle raconte son parcours vers une heureuse renaissance qui, bâtie sur les terreurs de l'enfance, qui n'est pas ce long fleuve tranquille souvent imaginé, et les angoisses de l'adolescence, démultipliées par les bouleversements biologiques, triomphe des doutes sur le sens de la vie et les premières prises de conscience face à sa représentation d'un monde adulte inconnu.
Le spectacle, techniquement remarquable et qui résulte d'un travail essentiellement choral, ne peut qu'être chaleureusement salué.
Isabelle Martinez et Vincent Legrand à l'écriture, Martial Anton à la mise en scène et Alexandra-Shiva Mélis pour la conception des marionnettes, et sur scène, pour le jeu et la manipulation à vue des marionnettes, Isabelle Martinez, Fabienne Kienlen, Stéphane Deslande et Vincent Legrand, attestent de la vitalité et de la créativité du théâtre de marionnettes, théâtre protéiforme bien éloigné de l'image d'Epinal du guignol du jardin du Luxembourg. |