Gaëtan,
Que d'excitation mêlée d'angoisse à l'idée de te revoir, toi, enfin, après tant d'absence. Toi qui du jour au lendemain es parti sans prévenir, mettant Louise Attaque en pause, tu n'imagines pas le vide que tu as laissé tout ce temps, rempli tant que faire se peut de ces anciens morceaux qui font partie intégrante de moi.
Depuis toute petite, on me chantonne que "elle est pas méchante mais putain qu’est-ce qu’elle est chiante" en mentionnant mon prénom, c’est dire si vous avez marqué ma personne, toi et les autres. Gaëtan, Arnaud, Alexandre et Robin : à vous quatre, vous avec accompagné toute ma vie jusqu’ici, chacune de vos chansons en soulignant un passage, des hauts, des bas, toujours accompagnés de vos notes et de vos mots.
Maintenant, tu es tout seul, Gaëtan, tu as décidé de revenir, mais en faisant bande à part, Ginger est ton album en solo. À son écoute, j’étais déçue : il y avait certes ta voix, unique et si familière, mais c'était trop différent de ce que je connaissais de toi, je l'ai ainsi simplement rejeté.
À l'annonce de ta venue à Lille, je me disais que tu ne serais pas à la hauteur de mes souvenirs, ce concert à Strasbourg où je m’égosillais des paroles des "Nuits parisiennes" au premier rang tandis que la magie de Louise Attaque sur scène me transportait de cette force que je n'ai jamais ressentie ailleurs.
Et pourtant, malgré cette crainte de ne plus revivre tel moment, je n'avais qu'une hâte, c'était de te revoir.
C'est pour cela que j'ai complétement éclipsé ta première partie, Biebar.
Il était pourtant plutôt joli garçon, mais il y en a marre des jeunes renouveaux de la chanson française à la guitare dénonçant les chagrins d'amour et les malheurs de la société. Même s'il ne chantait pas mal, moi je n'avais que toi en tête, lui, je ne me souviens même plus de qui c'était.
Tu es arrivé sur scène, avec tous tes instruments et tes musiciens : pas les habituels, bien sûr, aussi je n'ai pas daigné les regarder. Seul toi comptais, les autres, je les ai totalement ignorés.
Durant trois morceaux, je ne réalisais pas que c'était bien toi, prenant maladroitement des photos comme je le pouvais : pour la première fois accréditée, j'étais nerveuse, essayant tant bien que mal de capturer ton image dans mon objectif, juste à tes pieds. Alors tu m'as regardée, tu m'as sourie, et tu t'es écarté du micro en prenant la pose juste le temps d'un cliché que j'ai raté, bien trop ébranlée par cet échange d'un trop bref instant. Tout ce que je pouvais faire, c'était te répondre d'un immense sourire.
Une fois les photos achevées, je me suis appuyée à la scène pour te regarder, et c'est là que je me suis rendue compte que tu étais bien là. Ta voix, ton regard, tes petits "tchip tchip" répétés au micro, cette façon que tu as de lancer un "Merci beaucoup" en une envolée amusée... Je t'avoue, j'ai pleuré durant ton concert, trop émue de retrouver toutes ces choses en toi qui m'avaient tant manquées. C'est dire si je suis accro...
Alors certes, ton dernier album, j'ai beaucoup de mal à l'apprivoiser. Cet ajout de percussions, tout aussi doué ton guitariste Joseph y soit-il, ce besoin de femmes choristes en arrière-plan, je ne t'y reconnais pas. Mais c'est sur scène que j'ai compris que j'y recherchais ton passé, au lieu d'y voir tes pas en avant.
Moi, je t'ai connu autrefois, je reste nostalgique, mais je comprends désormais que tu poursuis ton chemin. Après t'avoir vu, je sais que tu n'as rien perdu de ce qui te rend si unique, tu es toujours toi-même, à t'amuser avec tes musiciens, à caracoler sur scène durant certaines montées en puissance et à dégager ce magnétisme palpable et irrésistible. La preuve en est ma voix cassée d'avoir tant crié le refrain de "Help myself", que tu as chanté à nouveau avant de partir, me laissant cette impression que tu es revenu plus vivant que jamais : c'est tout autant toi-même qui sembles t'être retrouvé.
Je ne réussis pas à parler de ce concert comme je le devrais, à le décrire et à l'interpréter ; les lecteurs de cette lettre ouverte s'en sentiront peut-être exclus, mais c'est un fait : ce que j'ai vécu avec toi durant cette soirée, je n'arrive pas à le partager.
J'achève ainsi simplement mes mots sur cette courte phrase que tu chantais : "Nous resterons magnétiques". Merci pour tout, Gaëtan. |