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Kgebetli Moele  (Editions Yago)  février 2010

Pour ceux qui ne connaissent pas spécialement la situation de l'Afrique du Sud contemporaine, première puissance économique du continent africain, ancien dominion britannique devenu le bastion de l'idéologie séparationniste de l'apartheid abolie en 1991, peuplée de 50 millions d'habitants dont 79% de noirs et qualifiée de "nation arc-en-ciel" avec le premier président noir Nelson Mandela, la lecture des auteurs sud-africains notamment ceux de la nouvelle génération, la génération post-apartheid, publiés par les Editions Yago, est particulièrement instructive.

A cet égard, "Chambre 207", premier roman qui a déjà été de nombreuses fois récompensé, de Kgebetli Moele s'avère, outre les indéniables qualités d'écriture, édifiante en terme de critique d'une société néolibérale qui n'a pas tenu ses promesses et qui est, pour le moins, une société à deux vitesses, et terrifiante en ce qui concerne le destin de ceux qui se bercent d'illusions.

Pour brosser le portrait de son pays dans la veine du roman africain, le roman du désenchantement, et de la littérature sud-africaine fondée sur la protestation, avec une écriture radicale d'une grande lucidité, il part de la narration fictionnelle de destins particuliers pour dénoncer le mythe de la nation "arc-en-ciel" et l'ère Mandela ("Mandela c'était le premier président et c'est lui qui a introduit la nation dans un monde de mensonges" et dresser un constat accablant dans un pays où à l'euphorie de la démocratie non violente a succédé la réalité des inégalités sociales et culturelles "Tu raisonnes comme Mandela, empêtré dans un réseau de mensonges et figé dans une fierté imposée. Tout ça c'est financé par des politiciens internationaux corrompus, au nom de la démocratie, mais dans le but de maintenir les gens dans le malheur").

Ainsi il ne manie pas la langue de bois et use d'une plume loin d'être lénifiante sur la condition de l'homme noir ("Je suis né noir ; il n'y a pas de punition plus douloureuse que de naître noir"), sur les sud-africains ("Pour être honnête on est un peuple de buveurs. On ne passe pas nos vacances à sillonner ce magnifique pays qu'est le nôtre… pourquoi ? Parce qu'on s'en fout. Ca, c'est pour les Blancs….Nous, on boit, on fait des barbecues et on bouffe du porridge après on se dispute et on finit éventuellement par se taper dessus ou par essayer d'arrêter une bagarre qui dégénère"), sur la condition de l'Afrique ("la première sur la liste de ceux qui sont infectés, la première aussi sur la liste des famines, des massacres de masse et de la criminalité...et tout cela va se refléter dans la communauté et la communauté elle-même va se refléter dans la nation") et sur la cause de leurs malheurs ("Nous avons une haine nationale de nous-mêmes. Nous ne nous aimons pas. En chacun de nous, quel qu'il soit, il n'y a pas d'amour mais de la haine et de la colère."Comment ça se fait que les noirs ont nettoyé et nettoient encore la ville mais qu'elle est pourrie maintenant ? Dans le monde entier, la majorité de ceux qui nettoient les villes, c'est nous, les noirs, et pourtant on ne peut pas nettoyer notre propre ville ! Pourquoi ? Parce qu'un noir n'a pas le moindre respect pour un autre noir.").

Il retrace le parcours de six jeunes hommes de la génération Mandela, qualifiée de "Kwaito generation" par référence au genre musical éponyme né dans la banlieue de Johannesburg sous l'impulsion de jeunes pauvres désireux de sortir de la misère, des étudiants désargentés quasiment tous d'origine rurale qui sont venus à la capitale de la province la plus riche du pays pour "aller à l'université et en ressortir avec un diplôme pour des lendemains qui chantent" et qui, exclus pour des raisons financières mais également de pression sociale, vont passer leur journée à "johannesbourguer" et dérivent pendant plus de dix ans au coeur d'un township, autre nom du ghetto noir, en vivant ensemble dans une seule chambre.

Il l'a situé à Johannesburg, "la cité des rêves qui meurent aussitôt après être nés" qui "compte sur tes idées tordues pour te garder. Elle t'urbanise, t'enlace, te caresse tendrement, t'orgasmifie, et quand tu te réveilles, il est trop tard : tu es vieux, tu travailles comme barman, avec quatre enfants de quatre mères différentes et le boulet des pensions alimentaires autour du cou ?" et précisément à Hillbrow, ancien quartier de la haute société blanche aujourd'hui occupé exclusivement par des noirs, qui est considéré comme le quartier le plus dangereux de la ville, un no man's land pluri-ethnique d'un kilomètre carré où règnent toutes les plaies endémiques de la misère urbaine, la drogue, la prostitution, l'alcoolisme, la délinquance et le chômage mais également le racisme et le sida, tout en étant extrêmement dynamique.

Le narrateur, Baba, qui essaie désespérement de vendre ses scénarios, et pour qui cette période constituera l'aventure de sa vie, est le scribe de cette longue période de cohabitation forcée avec Matome, "Le mec a eu des résultats au bac qui lui garantiraient l'entrée dans n'importe quelles universités, même celles du paradis. Qu'est-ce qu'il fait là, alors, à attendre son certificat de décès ?", "le séduisant capable de s'adapter à tout, un baobab, cet arbre qui décida une nuit qu'il serait différent de tous les autres pour qui le passé est une affaire classée", D'nice l'excellent élève qui s'est laissé séduire par la ville délétère, Modishi, modeste propriétaire terrien et étudiant médiocre adepte des petits boulots, Zulu-Boy, voleur comme tous les Zoulous, le baratineur "qui s'attendait à être un précurseur de tendances et qui n'y parvint jamais" et Molamo, ancien chauffeur de poids-lourds, qui rêve de devenir écrivain, producteur, etc. et dont la seule raison de vivre est les femmes.

Justement, les femmes, dont Kgebetli Moele esquisse de beaux et émouvants portraits, qu'elles soient des étudiantes chanceuses qui ont accédé à des professions libérales ou des prostituées, anges de la rue ou escort girls de luxe, qui sont ici, peut-être plus qu'ailleurs, l'avenir de l'homme.

 

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La chronique du roman "After tears" de Niq Mhlongo


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# 24 mars 2024 : Enfin le printemps !

Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.

Du côté de la musique:

"Dans ta direction" de Camille Benatre
"Elevator angels" de CocoRosie
"Belluaires" de Ecr.Linf
"Queenside Castle" de Iamverydumb
"Five to the floor" de Jean Marc Millière / Sonic Winter
"Invincible shield" de Judas Priest
"All is dust" de Karkara
"Jeu" de Louise Jallu
"Berg, Brahms, Schumann, Poulenc" de Michel Portal & Michel Dalberto
quelques clips avec Bad Juice, Watertank, Intrusive Thoughts, The Darts, Mélys

et toujours :
"Almost dead" de Chester Remington
"Nairi" de Claude Tchamitchian Trio
"Dragging bodies to the fall" de Junon
"Atmosphérique" de Les Diggers
quelques clips avec Nicolas Jules, Ravage Club, Nouriture, Les Tambours du Bronx, Heeka
"Motan" de Tangomotan
"Sekoya" de Tara
"Rita Graham partie 3, Notoriété", 24eme épisode de notre podcast Le Morceau Caché

Au théâtre

les nouveautés :

"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille

"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche

et toujours :
"Lichen" au Théâtre de Belleville
"Cavalières" au Théâtre de la Colline
"Painkiller" au Théâtre de la Colline
"Les bonnes" au théâtre 14

Du cinéma avec :

"L'innondation" de Igor Miniaev
"Laissez-moi" de Maxime Rappaz
"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz

"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle

"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
et toujours :
 "Universal Theory" de Timm Kroger
"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

et toujours :
"L'été d'avant" de Lisa Gardner
"Mirror bay" de Catriona Ward
"Le masque de Dimitrios" de Eric Ambler
"La vie précieuse" de Yrsa Daley-Ward
"Le bureau des prémonitions" de Sam Knight
"Histoire politique de l'antisémitsme en France" Sous la direction d'Alexandre Bande, Pierre-Jerome Biscarat et Rudy Reichstadt
"Disparue à cette adresse" de Linwood Barclay
"Metropolis" de Ben Wilson

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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