Comédie
dramatique de Lee Hall, mise en scène de Régis
Mardon, avec Alexandra Bensimon, Anne Puisais, Benoît
Thévenoz et Eric Desré.
Avec "La cuisine d'Elvis", le dramaturge anglais Lee Hall braque le projecteur pleins feux avec un regard à la fois chargé d'humanité et de cruauté, non exempt d'humour caustique, sur l'intimité domestique, existentielle et névrotique d'une famille borderline de la middle class d'outre-Manche saisie au coeur de ses frustrations et de ses angoisses.
Dans cette famille, un père tétraplégique qui, se prenant pour le King, s'était reconverti dans des shows amateurs à la gloire du rock'n'roll, une mère anorexique travaillée par la pré-ménopause qui s'adonne à la boisson et brûle ses dernières cartouches avec un petit jeune un peu bas du front et une adolescente en crise, boulimique et complexée, ce sont les femmes qui mènent la danse dans un affrontement tout oedipien.
Ecrite dans les années 90, cette fausse vraie comédie, ou l'inverse, très souvent montée en France, s'inscrit dans la filiation des "kitchen-sink-dramas" pratiqués par les auteurs insulaires des années 60 qui saisissaient la réalité sociale de la "small time England" en direct de l'eau crapoteuse de l'évier de la cuisine et qui seront relayés, dans les années 90, par les cinéastes du réalisme social anglais, tels Stephen Frears et Mike Leigh.
Sur scène, si les comédiens, Alexandra Bensimon touchante en pathétique sexy bombe de banlieue, Eric Desré drolatique en légume visionnaire de ce que sera la fin du bel Elvis, Anne Puisais, vue récemment dans le personnage titre de "Emma" de Pierre Vignes
présentée récemment au Théâtre de l'Epée de Bois, parfaite en punk-goth inspirée de "la fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette" de "Millenium", et Benoît Thévenoz absolument confondant de niaisierie plus vraie que nature, ont pris la mesure de leur personnage, ils s'étiolent dans un parti pris dramaturgique qui manque singulièrement de relief.
Fort d'un passé d'assistant et de réalisateur de reportages, Régis Mardon a opté pour une approche policée qui se veut cinétique et une vision réalistico-documentariste qui, restant à mi-chemin entre les deux extrêmes possibles que sont le naturalisme glauque de Ken Loach et la kitscherie décapante telle qu'elle est pratiquée dans le pendant outre-Atlantique par le"Pope of trash" John Waters, dénote avec le propos de la pièce, direct, voire brutal, prosaïque dans son inclination pour le scabreux et le stupide, sans chichis ni glamour, qui, ne s'embarrassant ni de bienséance ni de morale, justifierait tous les excès. |