Dans l’histoire de la pop anglaise, je tiens les années 80 pour un grand moment. Je me passionne plus exactement pour la période 1976 – 1984, correspondant à la naissance du punk, et se terminant avec la sortie du premier album des Smiths : les Smiths marquent une réelle rupture dans ces années 80 ; ils redistribuent toutes les cartes de la pop, marquant une avancée significative, ouvrant le chapitre d’une aventure résolument moderne.
Les groupes importants de cette période là ne cessent d’influencer la musique de notre temps, de manière plutôt positive, même si parfois les emprunts ne sont pas revendiqués. Ils sont au nombre de cinq :
1) Joy Division, groupe-concept d’un moment qui a plus à voir avec une certaine façon d’être, une attitude, une poésie, qu’avec la musique : Joy Division n’est pas une musique, Joy Division est une révolution
2) les Buzzcocks, dont Morrissey disait qu’ils étaient LE groupe ; ce punk-rock élégant, cette pop rapide ayant également plus à voir avec la philosophie – c’est-à-dire une certaine éthique de vie − qu’avec une quelconque démarche musicale.
3) Magazine, faux-jumeau du groupe précédant, ce punk expérimental du grand Howard Devoto est peut-être le plus sous-estimé de cette période.
4) XTC, formation indiscernable d’Andy Partridge, qui n’est pas vraiment du glam-rock ni de la new-wave, mais un peu des deux, et bien plus.
5) Squeeze, groupe dont je suis seulement aujourd’hui en train de mesurer l’importance. Le relevé très complet s’arrêtera là.
J’aurais pu citer Wire, que je ne connaissais pas avant ce concert à l’Aéronef. Je m’y suis rendu dans l’espoir de préciser ma compréhension de cette fameuse période ; j’en suis reparti sans avoir rien appris de plus. Wire : tu écoutes, tu es confondu, c’est nul. Rien de plus là-dedans qu’une machine à entretenir un mythe, qui d’ailleurs a fini par s’effondrer. Cette reformation est une arnaque, je ne vois pas d’autres mots pour la qualifier. A l’époque de la reformation des Buzzcocks il y a une dizaine d’années, on sentait une sincérité qui n’était que confirmation de son élégance initiale. La reformation de Wire est la confirmation de l’insignifiance d’un groupe conformiste, alignant les morceaux comme on remplit sa fiche de salaire à la fin du mois. D’ailleurs le chanteur Colin Newman a plus des allures d’un banquier que d’une rock star vieillissante. Il fait son boulot en bon fonctionnaire, tournant méticuleusement les pages de ses partitions, rejouant des titres qui ont contribué à construire le mythe il y a une vingtaine d’années. Et puis ? Et puis rien. La dose a suffi.
En première partie, les parisiens de Frustration nous ont fait le coup du remake. Mais avec du recul, la question qu’on pourra se poser est la suivante : Frustration est-il un remake de Wire, ou est-ce Wire qui est un remake de Frustration ? Aussi pour brouiller les pistes s’ajoute un deuxième remake : celui d’un Joy Division qui aurait fait de la gonflette. Le manuel existe dans le commerce : un livre en dix chapitres s’intitulant : "Comment jouer du Joy Division en dix leçons sans devenir dépressif" ; la première leçon étant de faire matin et soir une séance de musculation, l’histoire de rendre plus souple le corps et de tendre vers la grande santé. Le talent, par la suite, ne peut qu’advenir : une ligne de basse répétitive en introduction ; un clavier obsédant ; une batterie conséquente ; un chanteur plutôt sympathique ; des refrains impeccables (par exemple : "I have too many questions / but I have no answers"). La formule fonctionne. Si notre époque préfère la copie à l’original, autant choisir une copie qui a du caractère. |